Quand on parle de l'équation économique des 300 Rafale contre 700 avions type 2000-D, -N, -C/-5, F1 CT/CR et j'en passe, effectivement ça se tient, mais je serais curieux d'avoir l'avis des militaires sur la capacité de l'Armée de l'Air (surtout) et de la Marine à conserver des capacités comme la reco ou la pénétration nucléaire (le Rafale F3 est qualifié pour le tir ASMP-A). Ces deux capacités demandent à ma connaissance une spécialisation complète des équipages.
Concernant l'Eurofighter, l'entité productrice est Cassidian (filiale d'EADS) au travers du Consortium Eurofighter GmBH. Ce consortium est dirigé par un Italien (U. Casolini).
Dire qu'Eurofighter est soutenu par la France est donc faux. Il y a certainement des ingénieurs français qui participent au programme mais la direction du programme Eurofighter est confiée à des personnes qui représentent les pays membres (RU, Allemagne, Italie, Espagne). En revanche, le CEO d'EADS est bien français (Louis Gallois, ancien PDG de la SNCF, qui n'a pas la réputation d'être un type incompétent).
Comme dit Julien, le PDG de Dassault n'a pas tort quand il dit que l'Etat Français compte pour beaucoup dans les échecs récents du Rafale. L'organisation des négociations avec le Maroc s'était avérée être un fiasco épouvantable (les marocains voulant initialement acheter français ce qui se comprend). La tentative de vente à la Lybie, quand on voit le manque de sérieux dans la vente ratée au Maroc, n'était pas à mon avis une affaire sérieuse, étant donné déjà le coût unitaire du Rafale, et puis il ne faut pas se voiler la face, les Lybiens auraient été incapables de les entretenir. (il n'y a qu'à voir l'état de l'Armée de l'Air Lybienne ces dernières années...). Les médias se sont bien servis de cette histoire rocambolesque pour taper sur Dassault. Ce monsieur n'a pas bonne presse dans la presse gauchiste. Allez donc lire le Nouvel Obs ou l'Express ! C'est à croire que les journalistes se passent le mot pour écrire les mêmes âneries !
L’argument de la devise pour le vendre est un peu bidon, quand on sait que les Rosbifs ont réussi à en fourguer 72 avec une livre Sterling qui est encore plus évaluée que l’Euro. La raison à cela est apparemment liée à une affaire de corruption qui a été mise en lumière peu de temps après la vente, mais dont l’enquête a été annulée sur intervention personnelle de Tony Blair « dans l’intérêt national ». Bon, en France, on a maintenant interdit les rétrocommissions dans les contrat d'armement (nous sommes à ma connaissance les seuls). Précision, les 72 avions en question étaient initialement des commandes britanniques, qui ont été annulées et que ces derniers ont réussi à refourguer aux Saoudiens. Il y a un mois, c’est l’Allemagne qui a annulé une commande d’une quarantaine d’EF. Ils les fourgueront peut être à la Lybie, après avoir refusé de participer à la guerre ?
En ce moment, l’Euro a bon dos ! Pourtant c’est avec l’Euro et du « Made in EU » qu’on a le premier hélicoptériste mondial, le leader mondial dans le spatial civil, et j’en passe... Il y en a des pays qui ont des monnaies fortes et qui exportent ! L’Allemagne en est l’archétype et l’Euro a renforcé ses exportations ! Récemment, la vente des Mistral à la Russie s'est faite avec l'Euro, ça montre bien qu'on peut encore exporter.
Pour le Brésil, le "war room" de Sarkozy pour ficeler les contrats d'armement à l'étranger aurait bien fait d'être plus discret, il semblerait que les US et Brésiliens soient moins en froid depuis l'arrivée de la nouvelle présidente. Ceci dit, la tentation d'indépendance sur ces technologies sensibles que sont les technologies embarquée dans un avion de chasse semble toujours forte au Brésil. La politique américaine dans la région n'est pas vraiment en leur faveur pour vendre un F-18 déjà bien dépassé dans un pays qui entend gérer ses affaires régionales sans consulter les américains. C'est un changement majeur comparé à ce qui se passait il y a quelques années !
Vu de la France tout cela paraît lointain, mais Dassault a réellement une carte à jouer là bas. Et le Brésil est un pays qui, s'il traverse des difficultés budgétaires à l'heure actuelle, peut très bien se payer le Rafale. La décision de report de l'achat des avions pour l'Armée de l'Air brésilienne a été faite pour des raisons budgétaires, pas techniques, et probablement pas politiques non plus. l'argument politique a été brandi par la presse anglo-saxone, qui est bien anti-française sur ces questions là (Quand le Rafale a été recalé en Suisse, il n'était pas fait mention de l'EF qui s'est aussi fait jeter !). Le ministère de la défense brésilien est actuellement en train d'étudier la mise en chantier de deux porte avions (DCNS a été contacté), là aussi le Rafale serait idéal, comme chasseur embarqué et également comme appareil basé à terre. Les militaires brésiliens l'ont bien compris. En tout état de cause, le Brésil a de grosses ambitions militaires (il n’y a qu’à voir leurs programmes en aviation civile et militaire) et il y a fort à parier qu’ils choisiront un chasseur lourd. Reste à voir lequel.
Il faut aussi savoir que Dassault est très bien implanté dans l'industrie aéronautique brésilienne avec des participations importantes dans plusieurs sociétés essentielles à leur industrie aéro.
Le Saab Gripen qui est aussi en compétition avec le Rafale et le F-18 Super Hornet n'a pas la moitié des capacités du Rafale, mais c'est aussi un avion donc une grande partie des technologies sont américaines. Les brésiliens veulent des transfert de technologie, il leur faudra tirer une croix sur l’essentiel des systèmes nobles du Gripen. Saab, donc le directeur marketing est un anglais, fait régulièrement état d’un Gripen Navalisé en projet si un client se décidait à l’acheter. Proposé à l’Inde, il a été refusé. Il a été rapporté que les officiels indiens ont regardé la proposition avec un sourire au coin des lèvres... tout comme celle de l’EF navalisé. Un tel projet se mène plutôt dès la conception d’un appareil, pas 20 ans après le premier vol du prototype.
On verra bien si cette machine réussit à s’imposer au Brésil. L’armée de l’Air Brésilienne dispose actuellement de Mirage 2000-C et en est très satisfaite. Je doute qu’un appareil léger comme le Gripen soit à la hauteur des besoins des Brésiliens, tant d’un point de vue opérationnel (chasseur/bombardier embarqué, frappe en profondeur, masse d’armement de près de 10 tonnes) que technologique (transfert de technologies : radar AESA, OSF NG, savoir faire pour la fabrication de moteurs, de missiles, électronique embarquée, etc...).
Contrairement à ce qu’affirme Julien, acheter français fait bien plus de sens aujourd’hui qu’avant. Le monde devient « multipolaire » et des pays comme l’Inde souhaitent s’armer et disposer de technologies au cas où... Les chinois s’arment en pagaille, et les Indiens s’en inquiètent (consulter leur presse nationale). Les technologies accessibles sur Rafale sont inaccessibles à des pays comme l’Inde ou le Brésil (voire même à certains pays en Europe avec nos chers amis Anglais et Allemands qui ont perdu certains savoirs faire). Les acquérir durerait aujourd’hui des années et coûterait des sommes faramineuses. La France aujourd’hui est le seul pays au monde capable, avec les américains et les russes d’offrir un avion de combat capable de tout faire, avec un support technique de qualité, et (là par contre ce n’est pas le cas des US, et le matériel russe n’est pas réputé pour être d’une qualité extraordinaire si on se rapporte aux dernières livraisons de MiG 29 qui ont été refusées dans certains pays, l’Algérie notamment). Les chinois se sont lancés dans la production de Sukhoi indigènes copiés, également pour des raisons de qualité et d’indépendance. Le savoir faire français peut aussi être monnayé dans des contrats de coopération militaire plus vastes (c’est déjà le cas avec le Brésil qui construit un SNA avec l’aide de la France pour la coque et le développement d’un réacteur nucléaire, là encore nous sommes les seuls au monde avec les US, Chinois et Russes à savoir faire cela).
Dernièrement, Dassault avec son Rafale a été retenu pour fournir un nouveau chasseur à l’armée de l’air indienne. C’est un bon point pour Dassault, qui profite aussi là bas de sa relation avec le MinDef indien depuis que ces derniers ont mis la patée aux Pakistanais en 1999 avec leurs 2000-D. Depuis lors les avions français jouissent d’un très grand prestige en Inde. Le Rafale pourrait très bien remporter la mise, étant actuellement en finale contre l’Eurofighter, après élimination des F16, F18 et gripen (on parle de montants allant jusqu’à 15 milliards de dollars pour cet achat !). Sur le papier, le Rafale a tout pour l’emporter. L’Eurofighter a des atouts, mais la France une relation établie depuis longtemps dans l’armement (notamment en matière de sous-marins) et il est plus simple de gérer des questions de programmes militaires quand on travaille avec un seul pays.
La politique d’export de la France est aussi d’offrir une liberté d’utiliser le matériel à sa guise. Les américains sont bien connus pour couper le jus en pièces détachées quand leurs sous-fifres refusent de leur obéir. On verra si Eurofighter arrive à vendre son engin avec des pays anti-nucléaire militaire comme l’Allemagne, sachant que les indiens demanderont certainement la capacité de tir nucléaire.
Enfin les relations entre les Etats, on en a fait un tas dans l’histoire du Rafale en Suisse, comme quoi Sarkozy a critiqué ouvertement ce pays et que ça les aurait empêchés de nous l’acheter pour des questions de fierté nationale. Les suisses ne sont pas à cela près, les dirigeants de ce pays sont prêt à bouffer à tous les rateliers pourvu que l’argent y rentre. La raison est budgétaire, la décision même d’acheter des avions de combat étant un débat très vif dans la société Suisse, il n’y a qu’à lire la presse on en parle tous les jours. Le Gripen correspond mieux aux besoins de ce petit pays. Vous voyez la Slovénie acheter des F-15 vous ?
Enfin, Armasuisse a mis le Rafale en tête de son évaluation (consultative), suivi de l’Eurofighter et du Gripen. La décision revient maintenant aux instances dirigeantes Suisses, qui devront composer avec un probable référendum, et une enquête complémentaire sur la pertinence de ce choix (le Gripen proposé en Suisse n’existe pas encore ! Ils sont drôlement forts ! Chapeau aux Suédois pour voir vendu un âne comme un cheval de course en tout cas). Les risques financiers inhérents à se lancer dans la construction d’un avion qui n’existe pas sont très élevés et ce fait a été souligné par de nombreux décideurs en Suisse déjà. Le conseil fédéral a rendu sa décision, il n’est pas certain qu’elle aboutisse. On verra dans les prochains mois. Les contrats d'armement ça se passe jamais comme prévu! Souvenez vous en 2009, le Rafale avait été exclu de la compétition soit disant pour des raisons techniques ! Il a été réintégré 3 mois plus tard, et depuis ce sont tous ses concurrents à l'exception de l'Eurofighter qui ont été mis sur la touche.
En fin de compte, le Rafale est moins cher que l’Eurofigter (voir le rapport du Sénat et l’équivalent Britannique de la cour des comptes), fait autant de choses, et est fait en France, pour servir l’Armée Française. Si nos clients n’en veulent pas, tant pis pour eux. La vision de la DGA était juste, le Rafale est excellent dans ses missions et remplit parfaitement le contrat qui lui a été assigné. On ne peut pas en dire autant de ses concurrents.
On verra si Dassault et l’Elysée réussissent à le vendre en Inde. Le verdict est attendu d’ici fin décembre, pour 126 à 189 machines. Si ça réussit, ça sera une belle victoire pour notre industrie aérospatiale et militaire, qui le mérite bien.
Quand à la chaine d'assemblage, le Livre Blanc de la défense fixe à 286 le nombre d'appareils à commander. On en est à 100 grosso modo, ça veut dire qu'à un rythme de 11 machines par an il reste 17 années de production au moins. Le chiffre de 2018 annoncé par Longuet le ministre de la défense tient au fait qu'actuellement 180 machines ont été commandées, et que la commande suivante aura lieu dans quelques années. Une preuve de plus que ce type connaît mal ses dossiers.