Les voltigeurs de l’aéroclub Roland-Garros de l'île de la Réunion ont effectué un stage intensif avec Nicolas Ivanoff, instructeur professionnel. Ne le répétez pas, mais pour eux, la voltige aérienne, c’est comme une drogue.
Dans le cockpit, le bras et l’appareil photo pèsent lourd, très lourd. Le compteur affiche 3 G. Trois fois la gravitation terrestre : chaque corps pèse trois fois son poids. Entre quatre et cinq kilos pour l’appareil photo. Ciel bleu et maisons blanches défilent au-dessus de nos têtes : Nicolas Ivanoff, instructeur de voltige aérienne, vient d’effectuer une boucle aux commandes du Cap 10 de l’aéroclub Roland-Garros de Saint-Denis. “Maintenant, on va passer en vol sur le dos”, prévient Nicolas, la voix zen dans le casque radio. Quelques secondes tête en bas, suspendus au siège par les sangles : la canne à sucre vert-jaune ondule lentement au-dessus de nos fronts. Un peu à droite, les vagues bleues blanchissent sur la plage de Sainte-Marie. “Maintenant, un renversement” : L’avion rouge et blanc pique droit vers le sol brun, en chute libre. Le temps s’arrête ; la terre et les cases rouges se rapprochent du nez de l’avion ; Nicolas remonte doucement le manche. Le nez blanc repique vers l’horizon bleuté.
“LES SENSATIONS SONT DÉCUPLÉES”
Quelques minutes de voltige aérienne, c’est un grand moment de magie. C’est sans doute pour cela que les pilotes réunionnais, réunis autour de Nicolas pour un stage intensif, parlent de “drogue”. “Si je reste deux mois sans voler, les G me manquent”, avoue l’instructeur. Une forme d’addiction légale ? “Oui”, opinent les pilotes. Nicolas s’amuse : “C’est comme un coureur de fond qui a besoin d’un footing. Moi, j’ai choisi ça parce que je suis assis. A l’origine, j’ai fait de l’aviation comme tout le monde ici. C’est magique : voir la Terre d’en haut, on ne peut plus s’en lasser”. Que leur apporte cette pratique sportive ..., euh, renversante ? “Les trois dimensions, le fait d’être en l’air”, répond Loïc Lovicourt. Pour Claude Senescat, c’est “Une maîtrise de l’avion”. Ont-ils déjà connu la peur ? “C’est un sport assez sûr” rectifie Olivier Echevet. “Il y a très peu d’accidents. Il faut d’ailleurs différencier la voltige aérienne, qui se pratique au-dessus d’un terrain d’aviation, et les meetings d’acrobaties, où les pilotes évoluent plus bas. C’est plus dangereux”. Claude renchérit : “Contrairement à ce qu’on croit souvent, on reste dans les limites imposées, et l’avion ne casse pas.” “Chez nous, l’à-peu-près n’a pas sa place, insiste Nicolas. La voltige, c’est l’école de la rigueur. Puis on découvre le plaisir ; les sensations sont décuplées. C’est d’abord très fatigant, puis on en a besoin”. Xavier Guiffard ajoute : “C’est comme du patinage artistique : en compétition, on note des figures précises sur des critères précis”. Les voltigeurs réunionnais n’ont encore jamais participé à des compétitions nationales, notamment en raison de l’éloignement géographique. Comme le Cap 10 local mettrait trop longtemps à parcourir les 10 000 km jusqu’en métropole, il faut louer un aéronef sur place. Et il vaut mieux s’entraîner : c’était l’objectif du stage. But avoué : la coupe “espoirs” et la qualification au championnat de France espoirs en 2006. “On a tout le temps quelque chose à apprendre”, conclut Olivier.
Nicolas Ivanoff, un prince de la voltige
Nicolas Ivanoff, 38 ans, n’a plus l’âge du Petit Prince mais en a gardé les boucles claires. Pilote professionnel et instructeur de voltige, membre de l’équipe de France de voltige depuis 1997, il s’est classé chaque année dans les dix premiers des compétitions internationales. Il a notamment été champion du monde par équipe en 2000, et champion d’Europe par équipe en 2004. Totalisant plus de 5 000 heures de vol sur Cap 10, il travaille habituellement en Corse. Il vient une ou deux fois par an entraîner une vingtaine de voltigeurs (dont une femme) de l’aéroclub Roland-Garros. Le Cap 10 de l’aéroclub a déjà volé 6 200 heures depuis son arrivée à La Réunion en 1981. Biplace et doté d’un système de doubles commandes (pour l’instruction des pilotes, comme les voitures d’auto-école), il peut atteindre 340 km/h en évolution.
source : clicanoo le journal de l'île de la réunion