Le déroulement du crash du Boeing 737 d'Helios comporte de nombreuses zones d'ombre. Avec des pilotes familiers de cet appareil et des experts aéronautiques, il a été tenté d'analyser les circonstances et essayé de comprendre un accident sans précédent.
Quelles sont les conditions du vol ? L'avion utilisé est un Boeing 737-300 (n° 2982, construit en 1998, d'un modèle semblable à celui de Flash Airlines crashé à Charm el-Cheikh). Avec ce type d'appareil, l'altitude de vol optimale est 33 000 pieds (11 000 mètres). Les conditions météorologiques sont bonnes et la carte des températures indique 36° C. La durée de vol prévue est de 1 h 23. Compte tenu des réserves réglementaires pour une attente ou un déroutement, le carburant embarqué doit permettre au minimum 2 h 30 de vol.
Pourquoi des F 16 sont-ils venus à la rencontre de l'avion de ligne ? Dix minutes après le décollage de Larnaca, selon le témoignage d'un contrôleur aérien grec, l'équipage signale un problème de climatisation. Le ZU 522 entre à 9 h 37 dans la zone de contrôle (FIR) d'Athènes sans établir de liaison radio. Les aiguilleurs, après en avoir averti les autorités nationales grecques, lancent la procédure «renégat» : deux F 16 décollent pour intercepter le Boeing et l'abattre s'il présentait une menace pour la sécurité. Le témoignage des pilotes de chasse grecs, en vue du Boeing à 11 h 20, pourrait être essentiel : dans le cockpit, le pilote, à droite, semble effondré sur son fauteuil ; le commandant de bord n'est pas visible et des personnes (hôtesses, passagers ?) semblent intervenir. Dans la cabine, les masques à oxygène sont tombés de leurs logements sous les coffres à bagages. L'avion tourne au-dessus de l'île de Kéa puis tombera, semble-t-il, quand les réserves de carburant seront épuisées.
Y a-t-il eu dépressurisation de l'avion ? La chute des masques l'atteste. Elle est automatique dès que la pression de l'air, dans la cabine, dépasse l'équivalent d'une altitude de 10 000 pieds (3 300 mètres). Cette baisse de pression, donc de teneur en oxygène, a pu être insidieuse, surprenant l'équipage, devenu inconscient aux commandes. Les méfaits de l'hypoxie, ou carence en oxygène, décrits dans un article d'Aviation & Pilote, commencent par une baisse de l'acuité visuelle, des picotements au bout des doigts et des difficultés pour réfléchir. La perte de connaissance vient rapidement, entre 8 et 10 secondes pour un individu en excellente santé et 3 à 4 secondes pour un fumeur.
Quelle procédure est prévue ? La descente d'urgence permettra de retrouver des altitudes respirables. Mais la première action, comme l'indique clairement la check-list secours du 737, connue par coeur par l'équipage, est de mettre le masque à oxygène puis de tester son fonctionnement pour ne pas s'évanouir avec l'avion en piqué. Les passagers disposent chacun d'un masque alimenté en oxygène par réaction chimique pendant une dizaine de minutes, mais les enfants doivent être aidés pour le passer. Les hôtesses et stewards utilisent une troisième source sous forme de bouteilles à porter en bandoulière permettant de se déplacer.
Comment se passe la descente d'urgence ? Les aérofreins déployés, l'avion pique à 6 000 pieds/minute (2 000 mètres/minute) à une vitesse de 330 noeuds (610 km/h). Elle dure au plus 3 à 5 minutes. C'est seulement désagréable pour les oreilles et cela peut réveiller des maux de dents. Cette procédure d'urgence est un exercice pratiqué systématiquement au simulateur.
Comment le froid a-t-il pu envahir l'avion ? La dépressurisation lente n'a pas pu faire chuter rapidement la température dans la cabine, chauffée par de l'air prélevé sur les réacteurs. A moins que le phénomène se soit brutalement amplifié, comme la fuite d'air d'une crevaison d'un pneu se transforme en éclatement. En moins de quatre minutes, un brouillard à température extérieure (– 36° C) envahit l'avion. Un accident comparable est survenu aux États-Unis sur un avion d'affaires en 1999. Les passagers du Boeing d'Helios, peut-être déjà inconscients, n'ont pas survécu au froid intense, comme l'ont constaté les sauveteurs rassemblant des dépouilles congelées.
Source "Le Figaro"