C'est partis!
Les deux gars décollent déjà sans même faire leur check moteur ou backtraquer la piste, ils ont juste démarré le moteur et direct du parking poussé à fond. Moi comme un brave, je backtraque la piste, pour gagner du temps je fais mes run up et derniers check en roulant, me retourne et me lance à leur poursuite. Quand j’approche de la piste de Namib Desert Lodge, je les entends dire qu’ils vont faire une inspection de piste….A deux avions, ben oui un avion qui vérifie c’est pas assez. Je les vois donc faire la piste l’un derrière l’autre à 5 ou 6 mètres du sol puis tirer dans le manche et l’un partir à droite et l’autre à gauche. Qu’est-ce que je donnerai pour bosser dans une compagnie qui a ce genre de truc dans son manuel d’opérations. Je les rejoins en finale numéro 3 et ils me disent de faire attention aux impalas à gauche du début de piste, elles n’ont pas l’air de savoir ce qu’elles veulent faire. Et ça je connais, le nombre de fois où ces idiotes d’impalas sont le long de la piste et là une chance sur deux soit elles commencent à courir au loin, soit à courir à travers la piste !
Mais là pas de problèmes elles restent bien sagement à nous regarder, par contre une fois mes roues au sol, je suis freiné violement par les zones de sable meuble voir très meuble à certains endroits ! Je pense directement au décollage…
J’éteins mon moteur, prends mes papiers et arrive près des pilotes qui filaient déjà les billets à leurs passagers. Ils me disent bon Alex pour finir tu n’as pas 5 passagers tu en as 3.
GENIAL (je serai plus léger pour le décollage) !
…. Et puis je vois son petit sourire en coin. Hé merde c’est quoi le truc ?
Je vois arriver mes passagères…Je comprends qu’en faite je n’aurais pas pu en prendre plus !
Je tente de ne rien laisser paraître sur mon visage.
Booooonjour mesdames alors pour mes calculs de dernière minute, j’aurai besoin de vos poids.
Ouiii,hmhm,oui ok merci fut ma réponse à leurs poids.
Et dans ma tête..Ha ouais ? Moi j’aurais dis plus !
Ce fut donc « 145kg », « 135kg » et « 140kg » selon elles et à mon avis on peut rajouter un petit 10% facile..
Dû aux limites de poids par rangée, je suis obligé de les mettre l’une derrière l’autre, ce qui a mis un temps certain vu l’étroitesse de la machine…
Les gars me disent bon écoute nous on doit y aller… Le deuxième pilote me dit qu’il va m’attendre mais pas longtemps. Et ne connaissant pas la route qu’on allait voler, comment dire. Valait mieux que je me presse.
Je démarre mon moteur, je rejoins le pilote qui était en train de m’attendre sur la petite dalle de bitume qui sert à faire les tests moteur. Je lui demande quand il a fini d’avancer pour que je puisse m’y mettre. Et je fais une grosse erreur, la dalle était plus ou moins à 7cm en hauteur.
Ma roue avant était passée sans problèmes mais j’avais mal calculé l’inertie et du coup mon train principal est resté juste en bas de ces 7cm. Je me suis dis bha avec plein moteur ça va passer.
Je fais mes tests moteur avec l’autre avion qui attend devant moi. Je lui dis que j’ai fini et qu’il peut y aller. Il décolle, là je mets les gaz petit à petit et voit que l’avion ne bouge pas !
Ça va passer ça va passer !
J’ai le temps de voir que la manche à air indique que j’ai dans les 5kt de vent dans le dos, mais je n’ai pas le choix l’avion que je dois suivre est déjà dans le ciel.
Je suis plein moteur et l’avion ne veut rien savoir, il reste sur place. Je commence à jouer du manche. Tirer pousser tirer pousser je sens l’avion qui bouge.
Ça va passer ! Ca va passer ! Ca va passer ???
Ça passe, ça passe !!!!!
Youpiiiii je sens que je passe la petite bosse et là d’un coup j’ai l’impression d’avoir mis du NOSS dans le moteur.
Technique de décollage sur terrain mou avec le manche complètement en arrière pour que la roue avant ne s’enfonce pas dans le sable et au fur et à mesure que la vitesse augmente rendre la main petit à petit. Il y a aussi les bush flaps mais ça j’en parlerai une autre fois.
L’avion tracte et c’est agréable comme sensation. Et braaaaahhaaam première plaque de sable mou, je perds 5kt, brham deuxième plaque je perds les 5 kt que je venais de regagner. Je vois la fin de la piste qui s’approche à grand pas.
Pour décoller il me faut dans les 65 au minimum du minimum et encore là je devrais rester en effet de sol un moment pour avoir les 75 à 80kt que j’ai besoin pour ma montée. Et là je suis à peine à 50kt !!! La fin de piste s’approche de plus en plus je suis à 60kt et là de nouveau une plaque de sable qui me remet à 55kt. Je décide de rejeter le décollage !
Je retire les gaz tout en relevant les volets et freine autant que possible sans bloquer les roues ou perdre le contrôle dans le sable. La vache c’est rapide en fait 55kt !!! Et ça met une plombe à freiner, je vois la fin de piste approcher dangereusement. Là je mets tout ce que je peux dans les freins et tire dans le manche pour mettre tout le poids sur le train principal. La fin de piste est là et moi je roule encore, je garde un seul frein à fond et relâche l’autre. Sa mère la pu… Mon pneu passe à quelques centimètres de la fin de piste ! Moi je dis bon timing.
Je fais un call à la radio pour lui dire que je vais tenter le décollage dans l’autre sens donc s’il peut faire un 360 le temps que je décolle, ça serait fortement apprécié…
Je me retourne et vois la tête de mes passagères affolées.
Ha ben oui c’est vrai elles sont là !
Je leur dis avec un énorme sourire, je voulais décoller dans ce sens-ci pour avoir le vent de face en fait !
Et là je les entends dire ha ben oui je me doutais que c’était un truc du genre…
Toujours dans le même élan de l’avion qui ne s’est pas encore arrêté, je remets plein gaz tout en remettant les volets et on est repartis pour une tentative dans l’autre sens avec 5kt de face.
Ça se passe mieux, les plaques de sable meuble sont de l’autre côté de la piste du coup j’ai le temps de prendre un peu de vitesse avant de passer dessus et elles ont moins d’effet. Bon c’est pas la gloire non plus mais ça devient raisonnable….ou pas ???
J’ai 60kt, je regarde ce qu’il me reste de piste et c’est presque ce que j’avais quand j’ai rejeté l’autre. Mais là je le sens bien donc je passe ce point. Ça va passer !
65 !! Je tire gentiment dans le manche, l’avion fait mine qu’il s’en fout. Je retire un peu, et pareil j’ai l’impression qu’il me dit ben oui ben oui si t’as envie TOI vas y moi je reste là !
Je retire fermement et là je sens enfin que les roues décollent, je relâche un peu et sens que je retouche le sable, je retire donc un poil et reste juste là le temps que la vitesse monte.
Ha ben tiens la piste est finie …
Je continue ma prise de vitesse et j’ai enfin la vitesse de montée. Je tire un peu dans le manche et j’entends le stall warning ! Ha comme ça, bon ben je vais attendre un peu alors…
Je reste en ligne droite et explique au pilote que je devais suivre que là j’en ai pour un petit moment pour monter et tourner à 90 degrés donc il peut y aller, je le rattraperai.
Il me faudra dans les 4 nautiques pour enfin pouvoir tourner.
Je rattrape l’autre avion et commence à me détendre.
Après 30 minutes on arrive au point vers lequel on doit faire demi tour ET… Ben ils continuent ! C’est donc bien le LONG scénique que l’on va faire. Je commence à sérieusement être de mauvaise humeur !
Je tente d’envoyer un sms à mon bureau mais devinez quoi au dessus du désert du Namib, le réseau est pas parfait. Et j’ai besoin d’une réponse parce que du coup je n’aurai pas assez de fuel pour mes vols de demain. Donc, soit après le scénique je dois repasser par Sossus Lodge et sans doute dormir là vu l’heure du coucher du soleil. Soit rentrer sur Sossus Desert Lodge comme prévu mais alors demain, je devrai repasser par Sossus Lodge avant de continuer mes vols.
On est de retour sur la piste et je reçois enfin une réponse qui me dit de rentrer sur Desert Lodge et je ferai le plein demain matin.
Je dis au revoir à mes passagères et aux gars de Desert Air. Je suis seul sur la piste au milieu du désert, le soleil se couche. Le silence est simplement magique, les couleurs, l’odeur de la savane. Je monte dans mon avion et décide de me faire plaisir pour cette dernière étape.
Plein gaz, je décolle mes roues du sol, rentre mon train, mes volets et reste là à survoler la savane entre les montagnes en direction de Desert Lodge. Main gauche sur le manche, la droite sur le haut du siège à ma droite. Le soleil juste sur l’horizon, pas une turbulence, à zigzager entre les montagnes. J’ai un énorme sourire aux lèvres et me dis une fois de plus que je ne changerai ma vie pour rien au monde. Là, maintenant, je suis là où je dois être.
Si il y a des amateurs je viens d'en finir un d'un vol dans une tempête de sable :-)
A plus.