Ce matin, je suis mi-figue, mi-raisin... Un mélange d’extrême excitation et d'angoisse.. je vais enchainer ma 1ere garde comme membre d'équipage SAMU... une fonction toute nouvelle encore inconnue en France sauf pour quelques bases... Cela faisait des mois que j'attendais ce moment, il s'est fait désirer comme il se doit et rien n'était joué d'avance.
Il est 7h30, j'arrive au SAMU, je revêt ma combinaison bleue, aboutissement d'un reve de gosse... Pourtant gosse, je le suis toujours un peu, de mes 19 ans je suis pourtant un vrai gamin devant ces machines à voilures tournantes et le suis encore plus devant celles qui s'envolent pour devenir un maillon de la chaine des secours...
Mais pas le temps de revasser, il va falloir etre à la hauteur, aujourd'hui comme tout le temps, l'erreur n'a pas sa place dans une telle organisation.
Un café et hop déja 8h.... la garde commence, Kris sera mon pilote aujourd'hui, je vais avec lui faire le tour de la machine. Une fois la prévol faite, nous équipons la machine avec le matériel médical. Meme si les gestes sont encore flous, les bases sont la.. Il faut dire que j'ai déja eu l'occasion d'équiper la machine plusieurs fois en tant qu'apprenti mécano.
Tout est vérifié, branché, le taxi est sorti : pret à faire feu !
Il faut donc maintenant s'habituer à l'activité la plus dure du métier : l'attente...
Mais je n'aurais pas trop le temps de chaumer, mon BTS MEMA approche et je dois etre au top niveau pour l'exam... je me plonge dans les révisions...
Alors cours de turbomoteur chapitre 2 le Compresseur... Me voila parti dans des heures de réflexions, de tortures d'esprits et de noeuds au cerveau...
Environ 30 Minutes, plus tard, en plein calcul (chiant d'ailleurs), le portable sonne...
"On a un primaire sur No*********ne" Tuuut Tuuut Tuuut...
Un primaire, c'est un départ urgent.. cela signifie que le moyen engagé part directement sur le lieu d'intervention chercher la victime.. contrairement au secondaire qui consiste lui à aller chercher la victime dans un hopital pour l'emmener vers un autre
Le coeur s'accelere, le haut parleur confirme le départ :
"Equipe 2 Départ primaire N*********ne malaise cardiaque"
J'attrape mon casque et c'est parti pour la course... Direction le garage ou sont parqués les véhicules du SAMU, j'embarque et déja le véhicule sort de la remise. Il se présente sur la rue principale qui nous sépare de 800m de la DZ. Le gyro et la Sirène enclenché, la voiture se faufile dans la circulation, l'équipe médicale fait le point :
"Ok donc on part sur le secteur de N*******ne pour un malaise cardiaque, 72 ans il a déja été pris en charge par les pompiers, un pouls à xx, une tension yy...."
Moi je me prépare à la mission, se rappeller de chaque geste appris, de chaque action en vol....
Nous franchissons le portail, Kris est déja a bord, il me fait signe qu'il met en route. Je fais embarquer le médecin et l'infirmier.
Ok.. portes fermées verrouillées, un tour pour vérifier les capots, tout est clair, un test des lampes, c'est bon, j'embarque !
Je monte et comme par magie, tout le stress et l'appréhension sont remplacés par l’adrénaline de la mission. Instinctivement, je switche la radio sur la fréquence SAMU et m'annonce.
"-SAMU XX d'Héli XX
-Transmettez Héli XX pour SAMU XX
-Décollage pour N********ne, un poser dans 15 minutes sur zone
-c'est recu pour SAMU !"
Le régime monte, j'indique à Kris que je suis pret et c'est parti... j'ai noté les élements, on décolle...
Décollage Cat A pour permettre un poser en cas de panne d'un moteur... 130fts, rotation et c'est parti !
Kris me demande de gérer la comm radio, je jubile intérieurement... ca va changer du flight sim!
"-XXXXX Tour Bonjour, le SAMU XX
-SAMU XX XXXXX Tour bonjour
-SAMU XX au décollage du CHR vers N*******e secteur Ouest pour 15 nm, on a 61XX affiché pour un transit à 800fts
-Recu SAMU XX c'est approuvé, rappellez croisant les axes !
-On rappellera croisant les axes XX"
Je réalise juste durant quelques secondes, que mon fameux rêve de gosse venait de se réaliser... Cette fois je ne suis pas dans le C172 de mon club à faire du local pour mon plaisir, je suis dans un hélico biturbine avec 3 autres personnes qui partagent le même but, mener cette mission à bien et etre un maillon de la chaine des secours.
Les secouristes et les témoins sur place ont fait leurs boulot, les pompiers également à nous de faire le notre !
Pas le temps de divaguer, je scrute le ciel... Comme tout le monde le sait, il y a toujours des pilotes (du dimanche ?) qui se promenent sans radio...
D'ailleurs en voila un la... j'informe Kris : "un trafic 2H 300fts haut convergent !"
Immédiatement la tour nous le signale : " SAMU XX, j'ai un trafic sans radio au radio, dans vos deux heures de la droite vers la gauche, 1100fts"
Nous prenons l'info et gardons l'oeil sur lui, mais mes yeux sont vites ailleurs...
J'annonce à l'équipe : "Arrivée dans deux minutes"
Je commence à voir le village... Pour cette mission c'est simple.. poser sur le stade... d'autres le seront beaucoup moins...
Le stade arrive en vue, je l'annonce à Kris "Le stade à 11H près du cimetière, j'ai le VSAV (l'ambulance des sapeurs pompiers) en vue", Kris me confirme l'info et m'annonce qu'il va faire une reco DZ puis une arrivée vers l'ouest car le secteur semble plus dégagé de ce coté.
Il effectue sa manoeuvre, j'en profite pour cloturer avec le controle.
Nous passons en finale, mes yeux sont dehors
"-c'est clair à gauche, on a un lampadaire à 11h pour environ 20m
-c'est pris, c'est bon pour moi"
Et tout en douceur, les patins épousent l'herbe fraiche d'une matinée de printemps (c'est beau hein ;) ) Allez pas le temps de poéter.... je sors de la machine et vais ouvrir la porte coulissante, je fais signe à l'équipe de sortir et aux spectateurs de ne pas s'approcher..
Kris coupe peu de temps après... une fois le rotor arreté, nous faisons un rapide débrief...
Nous sortons la civière hélico et allons donner un coup de mains à nos SMURISTES... la victime est consciente, nous échangeons quelques mots avec lui, sa famille, quelques plaisanteries pour les détendres, les rassurer... Après tout, un hélico SAMU c'est toujours impressionnant, on se dit que c'est grave.. mais souvent, c'est juste une question de gain de temps..
Quelques minutes plus tard, nous brancardons notre patient dans la machine, je vérifie les ceintures et referme la porte.. Sécurité au sol avant tout, j'attend que la machine soit au régime nominal pour embarquer... desfois qu'un enfant imprudent ou un curieux s'approche trop près (et cela arrive...)
Tout est bon, je monte, je branche mon casque, je m'attache et quelques secondes plus tard, c'est parti, nous revoila en l'air, direction la base !
Je reprend la radio et tout se passe sans encombre...
Visuel sur la DZ, Kris entame son approche, l'équipe au sol nous attend avec l'ambulance qui transportera notre patient jusqu'au service ou il est attendu.
Approche sur la FATO après avoir cloturé avec la tour et un poser en douceur à proximité du SMUR.
Le transfert du patient se fait progressivement, il est stable et semble aller bien, le voyage lui a plu, c'est déja ca !
Le SMUR au sol, prend le relais, nous laissant à notre taxi... Au revoir monsieur et bon rétablissement !
Quand à nous la journée ne fait que commencer, il faut reconditionner la machine, plein et nettoyage.
Il faut se tenir pret !
D'autres missions sont venus embellir cette journée, 2 de jours et une de nuit... certaines plus difficiles que d'autres...
Je me suis couché, comme je suis arrivé au SAMU, mi-figue mi raison, heureux d'avoir enfin mis les pieds dans un hélico SAMU et en meme temps triste pour cette mission qui s'est finie tragiquement pour notre patient...
C'est malheureusement la vie, celle d'un quotidien de SAMU.
Mais les pensées tristes d'un échec sont vite remplacé par des moments heureux en vol ou au sol, des histoires qui finissent bien, des vols de nuits sous des ciels étoilés, des percées IFR et des vols en plein centre de la capital..
Je me couche avec un sentiment particulier, celui d'avoir été utile pour les autres.
J'ai passé 1 an au SAMU, environ 120H de vol, des dizaines de garde et chaque soir je me suis dit en m'endormant : j'ai un métier fantastique