30 mars 2010, Lyon Bron : autorisé alignement décollage sur la 16, je pousse sur les deux manettes pour faire avancer mon bestiau et essayer de placer la roue avant pile-poil sur la ligne centrale. Un très bref instant, mon cerveau fait un flash back.
Jusqu'au 24 mars 2000, a Lognes. J'étais aligne sur la piste, et je poussais timidement sur la manette de gaz du petit DR400. C'était mon tout premier vol d'eleve pilote.
Quelques différences entre ces deux vols. En 2000, j'étais en place gauche. Cette fois, je suis a droite (et pourtant, je n'ai pas ma casquette de FI).
L'avion n'a pas qu'un moteur, mais il en a deux. Rien d'extraordinaire, j'ai fait pas mal de bimoteur pendant mon CPL et mon IR. Sauf que cette fois-ci, les deux moteurs ne sont pas à pistons. Il s'agit de deux turbines PT-6. Je suis aux commandes d'un Beech200. Quasiment deux fois plus long, deux fois plus haut, et avec une envergure deux fois plus grande que le DR400. Il emporte trois fois plus de passagers, et est 15 fois plus puissant (1 700 chevaux sur le Be200 contre 108 pour le DR400 de mon premier vol).
Quelques minutes plus tôt, mon captain a posé l'avion, en provenance du Bourget, et nous avons embarqué des medecins. Pour ce deuxième vol de ma première journée de boulot, je suis PF (pour la première fois). Direction : Le Mans, ou nous allons chercher des organes. Décollage, puis nous entrons rapidement dans la couche. A notre niveau de croisière pour ce vol (le FL190), nous y sommes encore. Puis, a mi-parcours, nous en sortons, et on se retrouve au soleil.
Je regarde sur ma droite, et je contemple, sous l'aile et la turbine, le tapis de coton blanc qui s'étend jusqu'a l'horizon. Le soleil nous réchauffe gentiment. Cette fois, j'ai davantage le temps de laisser mon esprit s'évader, et il ne s'en prive pas. Je savoure le moment. Enfin, le rêve commence a devenir réalité, enfin, je touche au but. Me voilà en pantalon bleu et chemise blanche, avec des galons sur les épaules, au soleil, au-dessus des nuages et de la grisaille de cet hiver qui n'a pas encore compris qu'il était temps de céder sa place au printemps, copi dans l'aviation d'affaires.
Je mesure le chemin parcouru depuis mon premier vol d'élève PPL, voici 10 ans, et depuis ma décision de me lancer dans la carrière pro. Voici 20 mois et 15 jours, je recevais un lourd carton plein des classeurs de Bristol Ground School. Il y a un an tout rond aujourd'hui, je validais le dernier certificat de l'ATPL théorique. Il y a 6 mois, j'en terminais avec le CPL/IR-ME. En novembre, je terminais mon stage FI, début mars je passais ma MCC sur simu 737, et dans la foulée, je commençais ma QT King Air. Vendredi dernier, test QT. Lundi, aller-retour a Gatwick pour faire apposer la QT sur le CPL, et hier, c'était ma première journée, avec quatre branches et un peu plus de 5 heures de vol.
Et c'est depuis le confortable Crew Loundge de l'aéroport d'Oxford que j'écris ce mail, pendant que mon captain fait une sieste, confortablement installé dans le douillet fauteuil en cuir qui bascule en arrière...
Hier, lors de notre deuxième passage a Bron pour redéposer les médecins et leur précieux chargement, alors que mon captain arrêtait l'avion devant le terminal, je distinguais derrière les vitres une silhouette familière : celle d'un éminent colibri, mon ami JPP, venu me faire un bisou et partager avec moi ma joie. Et il etait logique qu'a travers lui, Pilotlist soit associée a ma première journée, tant Pilotlist m'a apporté. Je me rappelle très bien des sentiments qui m'animaient quand, au cours des 12 dernières années, je lisais les récits de Jacques Darolles, de Pauline, de Pierre-Maxime, d'Aéroman, de Dan, de Bertrand (et j'en oublie) mettant en mots leur bonheur de voler quotidiennement.
Depuis hier, je suis entré sur la pointe des pieds dans le club des privilégiés qui, à chaque jour de boulot, transpercent la grisaille pour retrouver le soleil et aller s'installer en croisière au-dessus des nuages... Et j'ai encore du mal à le réaliser !
Olivier