530 NM
5h19 de vol
Lyon Bron (LFLY) => Mende (LFNB) => Nogaro (LFCN) => Millau (LFCM) => Lyon Bron (LFLY)
Je sens que cela ne va pas être évident. Raconter un vol si fabuleux, j’ai très peur de ne pas être à la hauteur. Comment retranscrire de telles sensations, de tels paysages, de pareils émerveillements seulement avec des mots ? D’avance pardonnez moi, ML, Julien et Thomas si j’atténue un tant soit peu le bonheur que nous a procuré cette journée.
Bref retour en arrière. Après avoir récupéré ML à la gare de Larpadieu (Lyon), nous nous faisons nous-mêmes récupérer par Julien, qui nous conduit jusqu’au tarmac (Lyon Bron LFLY). Thomas arrive justement au même moment, de plus le ciel, dégagé comme pas souvent, laisse présager un départ serein. La veille, nous nous étions longuement interrogés sur le risque à prendre vis-à-vis des prévisions de MétéoFrance qui semblaient à ce moment assez pessimiste dans la vallée duRhône ! Bref, un petit CAVOK au lieu d’un BRK à 4000 ft, ça passe toujours bien…
Reste à voir ce que les cieux nous réservent plus à l’ouest ! La (très grande) collecte de Tafs nous indique un temps plus mitigé sur le troisième tiers du périple. On décide, après avoir vérifié la disponibilité d’infos météo à Mende, de poser là-bas, où nous pourrons connaître l’évolution du temps et décider de façon plus éclairée de la suite de l’aventure. Quelques appels téléphoniques plus tard, nous rejoignons le hangar. Bien évidemment, l’avion est tout au fond derrière tout les autres…
Après une (quadruple) visite prévol minutieuse, ainsi que le resserrage consciencieux de quelques vis douteuses sur la dérive, notre fière monture, un DR 253 équipé d’un moteur de 180 chevaux, semble prêt à rejoindre son élément de prédilection. Il ne sait pas encore qu’il galopera durant 5 heures et 19 minutes, une durée record pour nous, jeunes ailiens, mais qui fut bien loin de paraître une éternité ! En effet, le temps semble être absorbé par le rugissement du Lycoming (ou alors l’horamètre est en rade…).
Alignés, cap 164 °, manette loin devant, les pendules réagissent parfaitement. Pas d’alarme. 110 Km/h. rotation. Débute alors une belle traversée du sud de l’hexagone.
Les premiers paysages, nous les connaissons tous plus ou moins familièrement : la navigation à proprement parler ne commence vraiment qu’à partir de la verticale du terrain en herbe de Vienne, où nous sommes alors en montée (quasi-terminée) vers le Niveau de vol 65. L’équipage se compose alors de Julien, et de ML, qui gère la navigation d’une main très experte et les estimées sont d’une précision redoutable. Julien, quant à lui, a trouvé deux nouveaux compagnons de jeu…
Il l’approche timidement, esquisse un sourire quelque peu machiavélique, et commence à le tâtonner. Après l’avoir mis en confiance, voyant que son ami ne dédaigne pas ses avances, Julien y va franchement, il ose le caresser. Une fois, deux fois… il s’en approche toujours plus sans jamais le pénétrer… Nous, passagers, quelque peu outrés et à la fois subjugués par ce jeu charnel incessant, restâmes alors muets, de peur que la victime eut peur et s’en aille. Après moult attouchements, Julien dit adieu à son enfant, qui n’avait plus que très peu de temps à vivre. Un dernier coup de manche, et nous disons au revoir à ce cumulus, que le réchauffement de l’atmosphère aura tôt fait de dissiper.
Puis, saisi amoureusement son autre nouvel ami, fermement, le chouchoute comme son bébé, lui parle, le dorlote… Avant de jurer « merdeeeee ! J’ai presque plus de batterie ! » mais la navigation reprend ainsi son cours, et une légère couche, non soudée, de cumulus se présentant face à nous, la décision de passer juste au dessus est prise, et une petite séance de surf sur le coton débute. Ainsi, au gré des amas blancs, l’aéronef se fraye un chemin avec une douceur poétique. Un désir d’infini monte en vous. Julien, toujours accroché à sa caméra filme les scènes émouvantes qui se jouent sous nos yeux : le doux balais des nuages et des ombres, leur cache-cache incessant, les reflets…
"Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent
D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
-- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d’engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
Extrait de C. Baudelaire (1821-1867), les fleurs du mal, La Mort, CXXVI : Le Voyage"
Le lac de Langogne reflète d’une façon peu commune le bleu du ciel et les blancs des nuages. Encore un ou deux points tournants, et le terrain de Mende nous saute à la figure. Il faut dire qu’il n’est pas caché : en effet, il trône sur un ensemble surplombant la ville et les environs ; la finale est impressionnante car le seuil de piste se trouve pratiquement à l’aplomb de la montagne. Attention donc aux vents rabattants qui peuvent prendre une faible motorisation au dépourvu.
Contact avec l’agent AFIS qui n’était pas vraiment préoccupé par le trafic vu qu’il n’y avait aucune réponse sur la fréquence, apontage de notre chasseur et décélération digne d’un mirage, quasi tail-strike, et arrivée au parking de Mende. Premier réflexe : on marque le passage des jeunes ailes par un autocollant bien placé, que tous les pilotes de l’aérodrome ne manqueront pas d’admirer. Ensuite ML a eu la bonne idée de corrompre l’agent afis en service ; ce dernier nous a ainsi offert les taxes d’atterrissage (mille merci monsieur si vous nous lisez !), ainsi qu’une météo favorable pour le reste du périple ! Que demande le peuple ! Même s’il aura mis plus d’une demie heure pour nous sortir ces dit TAF et autres METAR et que nous avons du monter dans sa tour pour vérifier s’il nous avait pas oublié, son accueil était très chaleureux. C’est aussi ça la France de Provence ! Des gens très sympathiques qui savent prendre du bon temps… ça nous changera de ce qu’on aura après…
Nous repartons ainsi, cap sur les VOR de Gaillac puis d’Agen, toujours en survolant des régions différentes et magnifiques. Le paysage est extrêmement varié : des Alpes au désert du massif central, des champs fertiles à perte de vue à la forêt… Peu à peu nous arrivons au pays de l’armagnac, et le plafond s’abaisse progressivement jusqu’à 1600 ft. Ca passe tout juste pour Nogaro, surtout que le terrain n’est plus qu’à 4 nautiques ! Nous atterrissons sur la piste en dur, car on nous signale à la radio que la piste en herbe est « courte » contrairement aux indications de la carte VAC, de plus aucun NOTAM n’indiquait l’indisponibilité des ¾ de la piste en herbe. Soit. Ainsi est le charme des petits terrains non contrôlés mais où il y a toujours du monde !
Nogaro est décidément un terrain « jeune » : l’activité de vol à voile est débordante, et la moyenne d’âge est décidément basse ! Nous passons en revue les différentes machines, le treuil, les planeurs, et la petite curiosité qui fait la fierté du club local : un Béryl, qui laisse les JA rêveurs. Ce biplace en tandem possède une allure élancée qui fait penser à celle d’un chasseur. Malheureusement en maintenance pour une nouvelle peinture, il était inapte au vol… Sinon, Julien n’aurait probablement pas résisté à la tentation ! Bavant, il le regarda sous toutes ses coutres, l’ausculta et s’imagina déjà dans le F-PAJA !
Dehors, des bruits de moteurs surpuissants se font entendre… Nos regards se tournent alors sur le circuit automobile situé juste à coté de la piste ! Qu’est ce qu’on voit ? Des formules 3000 en pleine compétition ! Voilà pourquoi des voitures envahissent de partout les lieux ! En nous posant, nous étions à moins de 2 mètres des voitures parquées le long du terrain…
Un petit tour au club house pour visiter les lieux en vu d’un futur séjour dans cet aéroclub dynamique, quelques mots échangés à ce sujet à des gens du club, un petit bonjour aux jeunes qui étaient en train de manger une banane au Nutella (à en croire Kevinou, ça serait contagieux dans le milieu !) et à notre tour de chercher à casser la croute ! Un petit tour dans Nogaro, mais tout est fermé en ce beau lundi de Pâques ensoleillé et qui accueille la course de voiture…
De retour au terrain, on s’organise : chacun reçoit une ration de survie de l’armée suisse : un paquet de petit beurre 100 % calorique accompagné du fameux chocolat militaire helvétique… Le temps de réactualiser la météo, de préparer l’avion qui ressemble de plus en plus à un zouk volant et de le faire boire, nous nous apprêtons à partir. Nous ressortons alors 8 plaques de chocolat suisse pour l’instructeur du club : mission : entretenir la diplomatie entre nos deux régions ! On décolle de Nogaro et au passage un petit aurevoir à la sauce Julien qui nous vaut un petit commentaire sympa à la radio puis nous prenons le cap du retour… Celui-ci se passe comme sur des roulettes jusqu’à cet incident imprévu, qui nous a contraint au déroutement … En effet, un paramètre a attiré notre attention et change l’ordre de nos priorités. Sous zone de contrôle, NOTAM et Météo OK, Top déroutement, cap approximatif, altitude, estimée calculée, et nous approchons à 130 kt le viaduc de Millau qui nous a intrigué, au point de faire notre escale non plus à Mende mais sur le terrain tout proche de la ville de Millau. Cet ouvrage d’art est visible à plusieurs dizaines de nautiques de distance : son immensité et ses formes modernes n’ont rien à envier à d’autres grandes réalisations américaines ! Nous l’avions repéré en passant du coté de Rodez à l’allée mais l’envie a été plus forte dans le soleil rougissant…
L’envie de se rapprocher de plus en plus est forte, ainsi que celle de voir la réalisation en contre-plongée… mais celle de conserver nos licences également ! Nous nous contentons donc de quelques 360 au dessus du viaduc, et gravons à tout jamais ce paysage dans nos esprits.
Le retour sur Bron se passe sans problème...
Je n’avais jamais navigué en avion de tourisme sur un telle distance, mais je réalise maintenant, que par une météo pareille, ce moyen de transport et de tourisme comporte une foule de spécificités qui le rendent incomparable dans tous ses aspects.
Merci les Jeunes Ailes,
Récit signé Guy-William PIVOT and co
Quelques photos :
Préparation de la NAV
Roulage pour le point d'arrêt 16 à Lyon Bron
Un petit coucou aux plus sympas de tous les contrôleurs.
Prêt pour la navigation
Montée au FL65
Miam des nuages
Miam encore des nuages
Passage travers Langogne et son lac
En approche de Mende et de son terrain un peu particulier
Apontage sur Mende attention aux rabattants en finale
Notre tagazou le LN à Nogaro avec un taxiway assez sympa à 1m50 de la route.
Le célébre Viaduc de Millau
Zone désertique en approche du terrain de Millau
Descente sur la ville de Lyon
Trés longue finale établit ILS 34 à Lyon Bron
Finale 34 à Lyon Bron