faits et chiffres -Bruxelles, 6 octobre 2004
Accord UE/États-Unis de 1992
Jusqu’à la fin des années 70, les États-Unis jouissaient d’un quasi-monopole dans le secteur
de l’aviation civile de grande capacité. Le consortium Airbus (créé en 1969) a commencé àentrer effectivement dans le jeu de la concurrence dans les années 80. À cette époque, les
autorités américaines se sont inquiétées de cette présence européenne et des subventions
prétendument octroyées par les gouvernements européens au développement des premiers
modèles de la famille Airbus. Cette question est devenue l’objet d’un litige majeur, la partie
européenne se préoccupant de la même manière des «subventions» accordées aux
constructeurs américains d’avions civils gros porteurs par le biais des programmes de la NASA
et des programmes de défense aux États-Unis.
À la fin des années 80, l’UE et les États-Unis ont engagé des négociations pour limiter les
subventions des pouvoirs publics en faveur de ce secteur de l’aéronautique. Les pourparlers
se sont conclus en 1992 par la signature de l’accord bilatéral sur le commerce d’aéronefs civils
de grande capacité qui, en ce qui concerne les aides gouvernementales versées de part et
d’autre de l’Atlantique, prévoit des dispositions bien plus strictes que celles de l’OMC. L’accord
réglemente notamment en détail les formes et les limites des aides publiques, impose des
obligations de transparence et invite les parties à éviter les litiges commerciaux.
Règles applicables aux aides de l’UE et des Etats-Unis
-D’une part, l’accord fixe un plafond pour le montant des aides publiques directes (33% du
coût de développement total) destinées à de nouveaux projets d'avions. II établit que ces
aides (accordées sous forme d’investissements de départ, c’est-à-dire de prêts
remboursables fondés sur des redevances) seront remboursées à un taux d’intérêt qui ne
peut être inférieur au coût du crédit pour l’État et dans un délai qui ne peut excéder 17
ans. Pour l’essentiel, ces dispositions s’appliquent à la forme d’aide publique surtout
utilisée en Europe.
-D’autre part, l’accord stipule que les aides indirectes (par exemple les avantages
accordés pour les applications aéronautiques de programmes de la NASA ou de
programmes militaires) devraient être limitées à 3 % du chiffre d’affaires de l’aviation civile
nationale des gros porteurs. Ces dispositions visent surtout le système d’aides pratiqué
aux États-Unis. Contrairement au système européen d’investissement de départ
remboursable, ce régime ne prévoit pas d’obligation de rembourser les aides indirectes.
Par ailleurs, le plafond généreux de 3 % est calculé sur la base, très large, du chiffre
d’affaires du secteur et s’applique à chaque année considérée individuellement.
Aides publiques européennes
Les gouvernements européens fournissent à Airbus un investissement de départ
remboursable, et non des subventions, au moment du lancement d’un programme.
Par ce type d’aides, les pouvoirs publics soutiennent le secteur européen de la recherche et du
développement technologiques, exactement comme les autorités américaines ont cherché à le
faire pour leurs programmes de R&D par l’intermédiaire de la NASA, de l’Administration
fédérale de l’aviation, du ministère de la défense, ainsi que par des allégements fiscaux à
l'exportation. Les gouvernements de l’UE ont cependant dépensé trois fois moins que le
gouvernement américain en R&D dans le secteur des gros porteurs commerciaux.
Tous les prêts publics européens destinés aux programmes Airbus ont été effectués en
respectant strictement la lettre et l’esprit de l’accord UE/États-Unis de 1992 concernant le
commerce d’aéronefs civils de grande capacité depuis son entrée en vigueur. Il continuera àen être ainsi pour tous les programmes Airbus à venir. Les États-Unis n’ont pas contesté ce
fait.
-Sur les 8 avions Airbus lancés depuis 1990, seuls trois programmes ont bénéficié d’un
investissement de départ des pouvoirs publics.
-Airbus verse des redevances aux gouvernements pendant toute la durée des
programmes de gros porteurs. Les intérêts et le principal sont remboursés à la livraison,
avant même d’atteindre le seuil de rentabilité et quel que soit le prix de vente.
Subventions publiques américaines
Les subventions accordées par les pouvoirs publics américains, pour l’essentiel sous forme de
marchés militaires ou de contrats de la NASA, de dépenses de recherche et développement etde subventions à caractère fiscal, ont permis à l’industrie aéronautique des États-Unis de
maintenir sa domination sur le marché mondial pendant 50 ans.
-Contrairement aux investissements initiaux européens, aucune des aides publiques
américaines ne doit être remboursée et aucune ne l’est effectivement.
-Depuis 1992, Boeing a reçu quelque 23 milliards d’USD de subventions de la part des
autorités américaines.
-Le total des aides indirectes accordées par le gouvernement américain au secteur
aéronautique des gros porteurs a atteint 2,74 milliards d’USD pour le seul exercice 2003,
soit 11,9 % environ du chiffre d’affaires commercial de ce secteur pour la même année
aux États-Unis.
-Depuis 1990, Boeing délocalise de plus en plus de larges pans de ses programmes
d’avions civils dans d’autres pays, par exemple au Japon (à raison de plus de 60% pour le
7E7). Les pouvoirs publics des pays concernés apportent une contribution financière à
ces parts d’activités délocalisées, si bien que les programmes de Boeing bénéficient aussi
de subventions étrangères substantielles.
-Depuis 1990, Boeing a recours à des "Foreign Sales Corporations” (FSC) offshore, ce qui
lui a permis «d’économiser» plus de 1,2 milliard d’USD en impôts fédéraux. Il s’agit là
d’une subvention publique directe interdite par les règles internationales.
La compétitivité constitue le noeud du problème: de 2001 à 2003, Boeing n’a consacré que
2,8 milliards d’USD de ses fonds propres à la R&D en matière d’aviation commerciale et en
dépenses de capital, par rapport à 9,4 milliards d’USD pour Airbus. La faiblesse des
investissements de Boeing en R&D et en capital explique que l'avionneur américain n'a pas
lancé de nouveau programme depuis 1990.
Subventions américaines sous forme de passations de marchés dans le
domaine de la défense
La branche des avions civils gros porteurs de Boeing tire des profits considérables de
programmes de R&D militaires et de marchés surfacturés passés avec le ministère de la
défense. Boeing vend par exemple à ce dernier, au prix fort, des aéronefs civils qui sont
ultérieurement transformés. En voici de récents exemples:
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-Pour la vente d’un avion ravitailleur en vol B-767, un rapport de Morgan Stanley publié en
2003 indique un taux de subvention de 9%, soit entre 1,6 et 2,3 milliards d’USD de
bénéfices pour Boeing. Selon ce rapport, l’opération correspond à «700 livraisons fermes
de Boeing 737 au moins», alors que la marge bénéficiaire normale pour les 767 s’élève à
6% et que le Pentagone prévoit d’accorder à Boeing jusqu’à 15%.
-Le 14 juin 2004, la marine américaine a attribué à Boeing un marché d’une valeur
potentielle de 44 milliards d’USD environ jusqu’à 2030 pour la production et l’entretien de
108 appareils B-737 civils et leur conversion en avions patrouilleurs anti-sous-marins à
long rayon d'action. Il semble que ces avions seront construits dans les usines civiles deBoeing à Whichita, dans le Kansas, et à Renton, dans l’État de Washington.
Subventions américaines sous forme de dépenses de R&D
La branche des avions civils gros porteurs de Boeing bénéficie d’importants programmes de
R&D de la NASA et du ministère de la défense. Pour la seule année 2003, Boeing a reçu 2,74
milliards d’USD de subventions, dont près de 2 milliards d’USD du ministère américain de la
défense et plus de 600 millions d’USD de la NASA.
La part la plus importante des ressources consacrées par les pouvoirs publics à la R&D pour
un produit aéronautique spécifique réduit les dépenses de R&D du principal utilisateur potentiel
de la technologie concernée, c’est-à-dire Boeing. Il en est ainsi même si la R&D ne débouche
finalement pas sur un résultat positif.
Subventions en faveur du futur Boeing 7E7: plus de 6 milliards d’USD
Les subventions prévues pour le programme du Boeing 7E7 seront accordées par les États de
Washington (3,2 milliards d’USD), du Kansas (0,5 milliard d’USD) et de l’Oklahoma (0,35
milliard d’USD). Les subventions du seul État de Washington sont pratiquement aussi élevées
que l’investissement de lancement européen pour l’A380. La seule différence est que
l’investissement de départ de l’A380 est remboursé et qu’il est compatible avec l’accord de
1992, alors que les aides de l’État de Washington ne le sont pas. Les subventions de cet État
destinées à la fabrication du 7E7 sont par ailleurs illégales au sens de l’accord de 1992, à quoi
il faut ajouter les subventions de quelque 1,6 milliard d’USD que le Japon prévoit d'accorder à
ce programme.
Liens UE/États-Unis dans le secteur aéronautique
De nombreuses sociétés européennes participent à des programmes américains et
inversement. Exemples:
Airbus A380 – fournisseurs américains
Eaton Systèmes hydrauliques
General Electric Moteurs
Goodrich Train d'atterrissage principal; systèmes d’évacuation;
éclairage intérieur
Honeywell Avionique
Northrop
Grumman
Équipements de navigation
Parker Hannifin Carburant; systèmes de commande de vol, hydrauliques & pneumatiques.
Boeing 7E7 – fournisseurs européens
Cobham (Royaume-Uni) Pompes, clapets et soupapes
Dassault Systèmes (France) Logiciels et outillage
Finmeccanica (Italie) Éléments d’avions
GKN (Royaume-Uni) Technologie des matériaux
Groupe Latecoere (France) Travaux de développement des
structures
Rolls-Royce (Royaume-Uni) Moteurs
-Airbus a dépensé environ 50 milliards d’USD aux États-Unis depuis 1990, soit 15 millions
d’USD par jour, et y achète chaque année pour 5,6 milliards d’USD.
-Airbus contribue au maintien de 120 000 emplois dans l’industrie aéronautique
américaine.
-Boeing continue à délocaliser des emplois par le recours à des sous-traitants étrangers.
-Boeing bénéficie indirectement des investissements de départ européens par
l’intermédiaire de ses partenaires européens.
Faits et chiffres clés
-23 milliards d’USD de subventions accordées à Boeing par les pouvoirs publics
américains depuis 1992
-1 milliard d’USD de subventions FSC/ETI illégales accordées à Boeing entre 2000 et
2003, qui continue de recevoir environ 200 millions d’USD par an
-2,7 milliards d’USD de subventions accordées à Boeing au cours de la seule année 2002,
ce qui représente 8,6 % du chiffre d’affaires 2002 de la société, c’est-à-dire presque trois
fois la limite de 3% fixée par l’accord de 1992. La situation était similaire en 2003.
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