AU RALENTI, tel était le régime des moteurs du MD 82 de la compagnie West Caribbean lors de son crash, le 16 août dernier au Venezuela, causant la mort de 160 personnes, dont 152 touristes français de Martinique. Rien ne permet pourtant d'affirmer qu'ils fonctionnaient correctement au moment de l'impact, c'est-à-dire qu'ils délivraient la puissance nécessaire pour permettre à l'avion de voler normalement. Les premières constatations des experts du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) français qui travaillent avec leurs homologues américains, vénézuéliens et colombiens, montrent seulement que les deux moteurs tournaient à des vitesses de rotation relativement élevées. Autrement dit, les turbines n'étaient pas grippées ou endommagées.
Dans un communiqué diffusé hier soir, le BEA précise que la puissance du moteur droit s'affiche au ralenti dès le début de la descente. Elle y reste malgré quelques augmentations ponctuelles au cours de la chute. Dans ces conditions, aucun espoir de reprendre de l'altitude. Ces indications essentielles, relevées sur l'enregistreur de paramètres (FDR), ne sont pas disponibles pour le réacteur gauche. Mais les constatations faites au sol par les enquêteurs semblent montrer que ce moteur fonctionnait dans les mêmes conditions que celui de droite, animé seulement par le vent relatif sans délivrer de puissance. L'avion se trouvait comme une voiture impuissante, moteur entraîné au ralenti en dévalant une forte pente.
Ces premières constatations ne donnent pas d'indication sur l'alimentation en kérosène des deux réacteurs. C'est vraisemblablement là que se trouvent les causes de ce crash. Des investigations complémentaires sur le fonctionnement du circuit de carburant sont nécessaires. L'équipage avait annoncé une «double extinction des moteurs». Les deux pilotes ont tenté de redresser le MD 82, car le plan horizontal arrière a été retrouvé en position «à cabrer». Élément troublant, aucune check-list de procédure de panne n'a été captée par l'enregistreur de cockpit (CVR), la deuxième boîte noire.
Les pistes colombiennes
L'enquête devra aussi se poursuivre à Medellin, au siège de West Carribean Airways qui a mis la clé sous la porte. Dans les hangars, pourrit un vieux MD 82 semblable à celui qui s'est crashé le 16 août. Il servait vraisemblablement à fournir des pièces détachées. Plusieurs officines dans la zone aéroportuaire sont également spécialisées dans ce commerce du marché gris : des équipements de rechange plagiés, réalisés souvent dans des matériaux non aéronautiques. Ils n'ont, bien sûr, pas le visa des avionneurs, la «form one». Cette étiquette avec type et numéro de série doit accompagner chaque pièce. Mais il existe aussi des spécialistes des faux documents techniques. Dans le contexte de corruption de la Colombie et compte tenu du profil des dirigeants de West Carribean, l'enquête du BEA ne va pas être simple. Les experts ne sont pas habitués à travailler avec un gilet pare-balles, entourés de gardes du corps.
Reste à voir la fin de l'enquête et la conclusion du BEA pour confirmer ou non ces hypothéses.
source : AFP