Dès l'ouverture du Salon aéronautique de Dubaï, dimanche 20 novembre, Boeing a annoncé la signature d'un contrat de 9,7 milliards de dollars (8,3 milliards d'euros) auprès de la compagnie Emirates pour 42 Boeing 777. Quelques heures auparavant, en marge de la visite du président américain George Bush à Pékin, le constructeur américain ratifiait une commande par la Chine de 70 Boeing 737 d'une valeur de 4 milliards de dollars.
Ces deux contrats records présentés quasi simultanément ont ravi la vedette à Airbus qui comptait marquer cette manifestation aérienne dans les Emirats par les démonstrations de son avion géant l'A380. Ces vols ont d'autant plus d'importance qu'Emirates, avec 43 exemplaires commandés, est celle qui disposera du plus grand nombre d'appareils.
Quant aux commandes engrangées jusqu'à présent, elles apparaissent modestes au regard de Boeing. Airbus a signé avec deux compagnies du Koweït, Alafco et Jazeera Airways, pour plus de 2,3 milliards de dollars et également avec une compagnie saoudienne de transport d'affaires. Cependant, l'accord avec le loueur Alafco est une confirmation d'une intention d'achat annoncée en juin lors du Salon du Bourget.
La rivalité entre les deux constructeurs prend une dimension nouvelle cette année, puisque Airbus ne devrait plus dominer le marché des commandes, ce qu'il faisait depuis 2001. A ce jour le constructeur européen a engrangé près de 500 demandes alors que Boeing dépasse très largement les 700 modèles.
Cependant, en termes de livraison, l'avionneur européen gardera cette année la première place avec près de 370 appareils livrés contre 290 pour le constructeur américain. Il devrait également rester en tête en 2006 en franchissant le seuil des 400 exemplaires contre 395 pour son rival américain.
En reprenant la main sur le marché des commandes, Boeing montre qu'il est sorti de trois ans de crise. Airbus en avait profité pour prendre de l'avance technologique et pour l'attaquer sur son créneau le plus rentable, celui des gros porteurs où il évoluait seul depuis 1970 avec le 747.
Boeing a réagi par une première offensive contestant la stratégie européenne. Alors qu'Airbus vante l'A380, capable d'acheminer de 550 à 850 voyageurs vers des aérogares-carrefours (hubs), où ils prendront ensuite des correspondances, Boeing préconise les liaisons directes sans escale (point to point). L'avionneur a lancé pour cela le 787 Dreamliner, un avion long courrier de 200 à 300 places. Néanmoins, pour ne pas rester absent du créneau des gros porteurs, le constructeur a annoncé le 15 novembre le lancement d'une version allongée de son 747. Les premiers modèles du 747-8 ne seront pas des appareils transportant des passagers, mais des avions cargos, car l'avionneur n'entend pas perdre l'avantage sur le marché du fret aérien en pleine expansion.
Le constructeur américain a ouvert un deuxième front visant à contester les avancées technologiques d'Airbus en matière d'utilisation de nouveaux matériaux composites, rendant les avions plus économes en carburant et moins bruyants. Il a également confirmé sa suprématie en terme de performances. Le 10 novembre, son nouvel appareil, le 777-200 LR Worldliner, capable de transporter plus de 300 passagers a inscrit le record du monde du plus long vol commercial sans escale en reliant Hongkong à Londres, via le Pacifique (20 100 kilomètres).
Le troisième front est économique. En dénonçant le système des avances remboursables dont bénéficie Airbus, Boeing veut tarir un des modes de financement de son concurrent. Le dossier qui oppose les Etats-Unis à l'Europe sur les aides à leur industrie aéronautique est désormais devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Enfin, le groupe profite de l'influence diplomatique américaine pour vendre ses appareils notamment militaires, l'activité défense représentant plus de la moitié de son chiffre d'affaires.
Airbus a réagi à cette offensive contre l'A380 en renforçant sa prospection et en lançant en septembre l'A350, un avion de 250 à 300 places pour concurrencer le 787 Dreamliner. Les deux modèles sont en compétition aux Emirats, à Singapour et en Australie. Cette compétition est d'autant plus ouverte qu'elle intervient dans un marché en pleine expansion, dopée par le développement du transport aérien et l'arrivée des compagnies low cost (à bas coûts). Pour les constructeurs, 2005 s'annonce comme une année record.
Ainsi à Dubaï, le fabricant franco-italien d'avions régionaux ATR a signé dimanche avec la compagnie low cost indienne Kingfisher Airlines une commande de 20 ATR 72-500, pour 350 millions de dollars, assortie d'une option sur 15 avions. ATR a engrangé 90 demandes depuis janvier, ce qui en fait sa meilleure année.
source : LE MONDE