Encore un soir j’ai la chance de savourer ce plaisir du vol de nuit. Cette quiétude qui vient envelopper la masse d’air au fur et à mesure que la lumière diminue. Un décollage 15 minutes avant le coucher du Soleil, rien de mieux pour pouvoir profiter de toutes les teintes orangées du crépuscule. Ces 2 PC qui s’allument sur l’avion qui me précède, comme deux énormes panaches de puissance qui permettent la magie nécessaire à faire décoller 18 tonnes de métal avec des moignons d’ailes. Puis quelques instants plus tard, ce sont mes deux PC à moi qui me rappellent vigoureusement que nous ne sommes pas là pour contempler et rêver. Il est fou de réussir à se dire en soi, à chaque fois, à quel point on est bien en l’air, quel que soit l’adversité ou la difficulté des quelques heures qui vont suivre. Que ce soit en mettant le cap sur des pays en guerre, sur des conditions météo délicates, sur une zone d’entraînement en France pour une mission qui s’annonce complexe et pour laquelle on stresse de ne pas être au niveau auquel on nous attend, le plaisir de rentrer le train est toujours le même.
Sans doute car nous savons tous que tout ceci est éphémère. Certains vols plus que d’autres. Si nous aurons très certainement la chance pour beaucoup de pouvoir continuer à côtoyer les cieux encore quelques années, nous savons que certains appareils, souvent les plus exceptionnels, ne seront que passagers dans notre vie. Pour certains ils auront représenté l’objectif d’une vie, un accomplissement croyons nous même quand nous sommes jeunes et rêveurs. En fait ils ne sont qu’une étape, un peu comme la croisière peut l’être au vol dans son intégralité.
Alors j’en profite, entre deux repositionnements dans le « fight », entre quelques virages à 5G, montées à 30 000ft + pour prendre en compte une menace, j’en profite de cette journée à la météo particulièrement clémente qui me laisse entrevoir le massif central enneigé. Je peux distinguer les stations de ski qui font refléter leurs lumières sur la neige présente en grande quantité visiblement. C’est juste somptueux, et si calme en même temps malgré le ballet qui est en train de se jouer. C’est toute la magie du vol, on arrive à marier la douceur des montagnes enneigées et endormies, à la rugosité de 16 tonnes qui évoluent proches du mach et dont l’altimètre s’agite constamment entre 15000 et 30000 ft. Je profite de ce retour de nuit, mais lors duquel je peux distinguer la traînée de mon équipier illuminé par la l’éclat de la Lune. J’en profite car nous savons tous que cela passe trop vite, et que chaque vol me rapproche du dernier, même si, et c’est peut-être pour cela que je peux en profiter, j’ai quelques heures de vol devant moi encore…
Si magique ce ciel, si magique cette sensation. En revenant je peux me perdre dans les images magnifiques tournées par Julien sur son super Jodel de montagne, je peux aussi montrer à mon père, fan de parapente, ses superbes sorties « Hike & Fly » dont les images font tant rêver. J’ai la joie aussi de voir les anciennes photos des JAssemblements, des sorties JA, avec des avions qui sont beaux, que j’aime regarder. Pourtant ce ne sont que des avions. Mais je les trouve beaux.
Finalement ce qui me fascine toujours autant, c’est que nous, les amoureux du ciel (et j’imagine que beaucoup s’identifieront…), quelque soit la manière de voler, elle nous fait rêver.
Profitons les copains, et volons bien…
(Image d'illustration)