Pleine poussée aujourd'hui car notre avion est lourd avec ses 180 adultes, 5 bébés et 6 membres d'équipage.
Le vombrissement des moteurs apparait soudainement, l'avion vibre à mesure qu'il accélère sur la piste et notre vitesse augmente rapidement. La rotation se fera a 147 noeuds pour aller chercher une assiette initiale de 18°.
La sensation de puissance est pour le moins plaisante!
Vario positif, train sur rentré. L'aiguille indique 2500 ft/min, une nouvelle journée au bureau vient de débuter.
Pour être plus exact, elle a commencé il y a déjà une heure et demi au sol, avec la préparation du vol, la paperasse, l'étude de la météo et des notams ainsi que le briefing avec le reste de l'équipage.
En configuration lisse (volets et becs rentrés) et 4300 ft/min au vario, on grimpe aux arbres.
Checklist après-décollage effectuée, on accepte une directe offerte par le contrôle.
Le taux de monté avec la pleine puissance est fantastique! Habituellement, on maintient le flex décollage (poussée réduite, derate / assumed temperature sur Boeing) jusqu'à 14000 ft.
En passant 24000 ft, j'engage les directeurs de vol, puis le pilote automatique et les auto-manettes.
Une majorité des Commandants nous encouragent à effectuer les départs et arrivées à la main et il n'y a rien de plus plaisant que de piloter un avion de 70 tonnes en raw-data dans l'air calme du matin. La journée commence bien.
J'ai souvent du mal à réaliser que c'est désormais mon métier.
Je comprends le sentiment que décrit Jacques Darolles, quand il tape la paroi de son avion pour s'assurer qu'il ne rêve pas, que cette fois-ci c'est pour de bon.
Dans ce métier, la routine n'existe pas. Je me suis posé sur 62 aéroports dans 17 pays (ndlr: au moment de l'article, Juin 2012), mon plus court vol ayant duré moins de 25 minutes et le plus long environ 5 heures.
Un tier des approches que j'ai faites étaient des Approches de non-précision (VOR, NDB, visuelles, ...).
J'ai depuis longtemps arrêté de compter combien essayent de décourager les jeunes passionnés, en leur disant que le métier de pilote est ennuyeux et répétitif.
On s'apprête à percer la couche nuageuse, au-dessus quelques éclats de ciel bleu nous laissent entrevoir l'immensité du ciel et d'ici quelques secondes on évoluera sous la douce lueur du crépuscule.
L'ATC nous ayant donné une clearance pour monter à 26000 ft initialement, cette altitude s'avère être quelques dizaines de pieds seulement au-dessus de la couche. Malgré sa proximité avec l'horizon, le soleil est encore éblouissant. Les nuages défilent sous nos ailes et la sensation de vitesse est tout simplement fantastique!
Un 737 fonce vers nous 1000 pieds au-dessus dans la direction opposée, sa vitesse de rapprochement avoisine les 1600 km/h. Le Commandant et moi-même avons tout juste le temps de sortir nos appareils photos et capturer le moment.
"De nos jours, piloter se résume à observer les automatismes de l'avion faire le travail à notre place", disent-ils. Les soit-disant initiés sont toujours là pour prodiguer leurs conseils et autre savoir, bien souvent faux.
Quelques rares pilotes s'auto-proclament "Flight manager". Les autres sont pilotes et effectuent leur boulot de pilote tel qu'ils sont censés le faire. Cela m'a pris un certain temps d'appréhender les systemes automatiques de l'avion, ceux-ci s'avèrent être une aide précieuse mais peuvent tout aussi bien nous embarquer dans une situation critique en un rien de temps si on ne suit pas ce qu'il se passe.
Quand on désengage ces systèmes automatiques, le pocket rocket (surnom du 737) repasse en mode Cessna et est un pur régal aux commandes. Rien n'est aussi gratifiant qu'une approche à vue en s'établissant en finale à seulement 4 nautiques de la piste.
On approche désormais le niveau 360, nos hôtesses s'activent à l'arrière de l'avion.
A l'avant, le coucher de soleil illumine le cockpit d'une splandide lumière rougeâtre.
Quelle vue!
Top of Climb,
Point de Mach: .80,
Vitesse sol: 520 noeuds,
Altitude: 36000 pieds,
Nombre de personnes à bord: 191,
Vue: Incroyable.
Mon Commandant s'occupe de la radio et du suivi du plan de vol pendant que je scrute les cartes d'approche en gardant un oeil sur le spectacle qui nous entoure. Séquence émotion du coucher de soleil.
Au vol retour, le Commandant et moi-même échangeront nos rôles.
Puis, soudainement tout s'enchaîne. La Chef de Cabine nous appelle (signal sonore et lumineux dans le cockpit) et le controleur nous contacte pour nous donner une nouvelle route. On note rapidement les waypoints dans le FMC. Il me faut reprogrammer l'arrivée STAR, qui se fera via un nouveau point et une nouvelle transition.
Le Commandant répond à notre hôtesse pendant que j'attrape la carte de vol En-Route des niveaux supérieurs de l'espace aérien pour vérifier la route. La Chef de Cabine nous informe qu'un des wc à bord est hors service. Aussi anodin soit-il, il faudra faire réparer les wc à l'escale suivante et pour éviter de perdre du temps sur place, je rentre la fréquence du "handling" dans la radio. Je contacte les opérations de notre compagnie qui dépecheront un ingénieur et un mécanicien au pied de l'avion quand on rejoindra notre stand. J'en profite pour leurs transmettre les données du vol suivant: Fuel au départ, consommation lors de la branche suivante, masse de l'avion, composition de l'équipage et heure prévue d'arrivée de notre vol en cours.
Notre vol est court et le temps presse.
Je passe les commandes au Commandant le temps de configurer l'avion pour l'approche. C'est un pilote pointilleux mais pour autant il n'hésite pas à faire part de ses conseils et son aide est appréciable. Un réel travail d'équipe.
Je briefe la carte des niveaux inférieurs, passe en revue les Notams, un rapide rappel des éléments clefs de la météo à destination, la MSA (Minimum Safe Altitude, découpée en "secteurs" dans un rayon de 25 nautiques autour de l'aéroport ou d'une balise), les points culminants du relief le long de l'approche, les classes d'espace sur l'arrivée, la position du ToD (Top of Descent), le QNH et sa valeur entrée dans le FMC à côté des vents aux niveaux 300 et 100 respectivement.
Puis, je passe en revue la procédure d'arrivée (STAR) en vérifiant que toutes les restrictions d'altitudes et de vitesses sont bien là dans le FMC. Viens enfin la carte d'approche, la fréquence de l'ILS, la trajectoire en approche finale et sa valeur affichée sur le MCP, les points au-dessus desquels on sortira les différents crans de volets, les balises qui serviront en cas de "Go Around" (VOR et NDB), la procédure du Go Around dictée à voix haute :
"En cas de remise de gaz, ce sera le premier cran de TOGA, "Go Around, Flaps 15", vario positif, train sur rentré, à 500ft, LNAV, Volets 5 et la fréquence du VOR active des deux côtés, rentrée des volets, montée dans l'axe vers 2000ft avant d'intercepter la radiale 137 du VOR en montée vers 5000ft, on gardera 210 noeuds pour rejoindre le Hold. Le Hold en lui-même sera un standard, 1 minute, radiale d'interception 200. Je te demanderai la checklist après-décollage et j'enclencherai le pilote automatique".
Enfin, calcul de la distance d'atterrissage en fonction de la masse prévue à ce moment là, longueur disponible, cran de l'autobrake, volets 30 ou 40, cran des inversseurs de poussée, etc ...
Pour finir, un récapitulatif des différents taxiways qu'on prendra pour rejoindre notre stand.
Briefing fini, je fais une annonce passager sur le PA (Public Announce). On sera en avance de 20 minutes grace au puissant vent arrière.
Checklist Descente effectuée, je reprends les commandes et profite des dernières lueurs du jour pendant que mon Commandant demande la descente.
Le contrôle nous autorise pour le niveau 100. J'affiche 10000 dans le sélecteur du MCP et enclenche LVL CHG (le mode Level Change du pilote automatique). Le vario passe dans le négatif.
L'ATC nous informe que nous sommes numéro 12 dans la séquence des arrivées sur ce gros aéroport.
En rentrant dans la couche, on assombrit les différents éclairages du cockpit de façon à s'adapter à la pénombre. A l'extérieur, la luminosité environnante diminue au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans la couche nuageuse.
Alors qu'on passe le niveau 200, je déconnecte le pilote automatique.
On vient de percer, droit devant les lumières de la ville apparaissent et se reflètent sur les parois du tableau de bord.
La magie de la nuit ne fait que débuter.
PS : Soyez indulgent, c'est la première fois que j'écris un récit en français, à partir d'un post que j'avais initialement publié en anglais, il me manque beaucoup de vocabulaire.
Bonne soirée à tous.