J'écris ce texte à chaud, en rentrant d'un magnifique vol, où je ramène ma machine d'Aubenas au coeur des Alpes.
Ce vol était au-delà de ce que j'avais imaginé. Après le décollage d’Aubenas, les émotions étaient bien présentes aussi. C’est un « Au revoir » particulier (un aller sans retour et un ami instructeur que je quitte, l'oiseau quitte le nid!) que j’ai vécu hier matin. Il faut se mettre dans le vol, prendre de la hauteur, passer le Col de l’Escrinet sur Privas, avec passablement de stratus dans les premiers kilomètres : pas top la visibilité ! Je passe au-dessus en veillant d’avoir toujours vision d’un terrain en local… Tout va bien, l’euphorie m’envahit, puis le vent du NW me ramène sur terre. Je fais des pointes à 50km/h sol en poussant le moteur à 5500 tours. A ce rythme, je ne suis pas prêt d’arriver… En bas, les stratus ne sont pas très denses. Je redes-cends : le vent est moins fort et j’ai moins froid aussi. Malgré cette super météo, les matins restent frais. 60km/h sol, ça commence à avancer, surtout la TMA de Lyon autour de Valence. « Merde ! Je fais quoi ? » Passer en dessous : je ne suis pas motivé et 300m sol pour la sécu c’est la misère ! Je garde mon cap et mon altitude et je tente une annonce sur la TMA de Lyon approche. «Lyon approche de Yankee Delta… euhhh … bonjour ! ». Une gentille demoiselle me répond. Comme elle a dû percevoir mon stress, tout se passe bien. Vu que je n’ai pas de transpondeur, elle me demande simplement de garder mon cap et de surveiller mon altitude. Je longe la CTR de Valence, la contourne par le nord, un p’tit coup de radio et je quitte la fréquence pour Romans. J’arrive pile sur le terrain, et sans hésiter, je vais me poser. A peine le moteur éteint, le casque encore sur la tête, je suis déjà en train de pisser … Soulagé, je me retourne et scrute autour de moi. L’aérodrome est désert. Tout va bien…;-) La vessie se détend aussi.
Aubenas, Aérodrome de Lanas, lundi 3 octobre 2011, 7h30 : ouverture du hangar
Ma vadrouille continue ; je passe sur le Vercors. Magnifique !!! Des vallons cachés sur ces plateaux, c’est superbe ! Je garde la sécu et file sur Grenoble. Moteur coupé, je laisse glisser la machine, côté Chartreuse, au- dessus d’une sorte d’abbayes perchées au sommet d’une haute falaise. En plein soleil, sur des bancs, des touristes profitent du spectacle. Le vent me pousse bien et le Versoud s’approche plus vite que prévu. Sans réfléchir, je m’annonce à la radio et tout se passe à merveille. On me demande si je veux poser sur le gazon ou la piste en dur. Comme il y a du trafic, je choisis la piste en dur pour aller ravitailler mon appareil. L’opérateur m’annonce No 1 pour aller poser, (je suis fier de l’importance qu’on donne à ma libellule et pourtant je ne lui ai pas dit que j’étais en panne de carburant !). Je collationne, pose et file tout droit sur le taxiway. Puis, dans un instant de confusion on me demande de stopper (je suis déjà à 30m du point d’arrêt que je n’avais pas vu) et de prendre contact avec le sol… Heureusement, je trouve la fréquence sur ma carte VAC et je ravitaille 35l sans attendre d’être à Albertville. En plus le service est compris, top ! Il est vrai que la 100LL avec la taxe d’atterrissage n’est pas donnée. Cependant, juste pour l’expérience, je trouve que ça vaut le coût !... (En principe, je met de la sans plomb 95 et j'ai aucun soucis avec)
Une p’tite prévole, un bon contrôle du bord d’attaque droit, car en m’approchant de la pompe, je n’ai pas vu la cahute du pompiste qui fait au moins 2m de haut… Un certain stress est encore perceptible, comme celui au départ de Lanas juste avant le décollage, quand je me suis fait une bosse en percutant le bout d’aile au milieu du front. Je me dis qu’il vaudrait mieux mettre le casque dans le hangar dès le matin…;-). Heureu-sement, ce n’est pas l’aile qui a une bosse et ma tête passe toujours dans le casque !
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Premier col : l’Escrinet
Décollage direction Albertville, en remontant l’Isère. La Chartreuse se trouve sur la gauche. Les falaises sont magnifiques, St Hilaire, le plateau intermédiaire : il y a même de quoi « vacher » là-haut ! Excellent repérage. Je continue en prenant de la hauteur et j’aime ça.
Je laisse Chambéry sur la gauche et file en direction d’Albertville. Il y a une quantité de terrains dans la plaine. C’est une région très intéressante pour l’ULM. Le NW continue de me pousser et j’arrive assez vite sur l’aérodrome. Je m’annonce. Il y a beaucoup d’hélicos, des compresses et aussi des B3. Je fais ma volte et, en dernier virage, je me paie une bonne turbulence ! Je remets des gaz et vitesse : ça passe bien. Ouf ! C’était du thermique et non une turbulence de sillage. J’opère un atterrissage court en 23 et je me parque tout de suite à droite vers le ravitaillement. Les pompes sont à sec, il faut attendre 3 jours pour être livré. On n’est plus dans le sud pourtant !… Heureusement que je ne voulais que 10 l ! Je rencontre un gars avec un jerricane et il m’emmène à la station service qui est à 2min en voiture. J’en profite pour bien brasser le mélange car à Albertville, sans jerricane, j’ai du faire le mélange dans le réservoir. Alors, en mettant l’essence au pistolet par-dessus l’huile, je me suis dit que ça brasse quand même.
Mais en vol, je me suis fait tout un film : l’huile reste en surface, car elle est moins dense et le mélange, trop pauvre en huile, risque de serrer le moteur. Puis une minute plus tard, j’y repense : « Mais non ! Elle se dépose au fond car elle est plus lourde !!!! Le moteur ne va tirer que de l’huile et il va caler ! ». Fort de ces considérations et par sécurité, j’ai ainsi volé quelques km en dandinant mon chariot pour essayer de brasser le mélange (celui de ma cervelle aussi) et, quand je croisais un avion, il se mettait à battre des ailes pour répondre à mon salut…
Albertville
A Albertville, une bonne pause s’impose et est bienvenue. Je n’arrive pas à finir mon assiette… Pourtant, le resto est excellent et l’accueil vraiment sympathique. Une grande conversation s’engage avec les vieilles gloires du Delta. Et, comme je leur explique que j’ai l’intention d’aller en direction du Mont Blanc, les théories s’enchaînent sur les histoires d’altitude. Un pote de Jean-Michel Rivault (le gars de Cosmos qui te salue et qui trouve quand même que mon GTE n’est pas mal du tout) raconte, avec un petit air de vantardise, comment il a décollé du sommet du Kili, après avoir porté les ailes ! Et j’en passe… Tout ça pour me dire qu’il n’avait pas eu mal à la tête en haut, mais en bas, après avoir posé. J’abandonne tout ce petit monde au café et je profite d’une courte mais bonne sieste à l’ombre des hangars.
Après maintes gesticulations, surtout à l’attention de celui qui n’a pas de radio, les compresses se tirent un peu et je peux décoller. Virage à droite. Le pote de Jean-Michel m’accompagne un bout avec son compresse ; il se met sur mon côté. Un salut et je m’éloigne l’esprit à la conquête du Mont Blanc ! Déjà depuis Valence je l’avais aperçu et l’idée de m’en approcher m’euphorise à nouveau. 5200 tr, je laisse la machine monter. Je m’appuie sur le relief en direction de Megève. Je passe légèrement au nord du terrain et, contrairement, à ce que j’ai pu lire sur la carte VAC, l’accès me semble assez facile. La vallée est bien large pour mon pendulaire. Je coupe l’axe et continue à flanc de coteau. A 8000 pieds, le Mt Blanc se découvre sur ma droite. Je vire et lui « fonce droit dessus » ! Très imposant depuis mon nouveau point de vue, su-perbes les glaciers entrecoupés par les barrières de séracs !, Les émotions montent la machine un peu moins ! J’effectue un large 360 pour continuer à prendre de la hauteur, je passe les 10'000 pieds, mais il manque encore un sacré bout pour atteindre le sommet. En fait, je n’ai pas envie d’aller au sommet, non pas aujourd’hui. Je me concentre sur mon objectif, ramener la machine chez moi et je garde cette option au chaud pour un autre vol. Enfin pas trop longtemps au chaud quand même, car à la vitesse où les glaciers fondent il faudra revenir un de ces quatre. En revanche, mes doigts gèlent et les chevilles aussi, la nuque tire et le dos fait ce qu’il peut. Il faut que je cesse de prendre des photos avant de laisser tomber l’engin qui me sert également à téléphoner et accessoirement aussi à naviguer…. Sinon il risque de finir dans l’hélice avec une bonne panne-moteur à la clé ! Mes doigts reviennent à la vie, je bouge un peu pour me détendre et reprendre le vol, la machine accélère et continue de bien monter. Le vent dynamique est plus efficace que mon 582. Je file droit sur l’Aiguille du Midi. Pas beaucoup de possibilités pour « vacher » entre Chamonix et Argentière, mais en finesse je dois parvenir à rejoindre les Houches sans problème. Puis s’enchaînent les piliers, l’aiguille de l’M, les Drus (je suis plus haut que le sommet, c’est incroyable !) et les faces nord crépies de neige fraîche. Il n’a pas neigé ces derniers jours et pourtant il y a de la poudreuse dans les couloirs. A cette altitude, en octobre, la neige reste poudreuse longtemps. La montagne se pare de son manteau d’hiver. L’automne est vraiment une saison magnifique ! Face nord des Droites, des Courtes, de l’Aiguille Verte : la vue plonge sur le Glacier d’Argentière : je me sens transporté, c’est tellement beau ! Un avion me réveille tout à coup sur 130.0. Il redescend le Glacier d’Argentière rive droite, 13'500 pieds. Mes yeux volent sur l’altimètre : 12'000 pieds en montée. Je réduis les gaz, j’écoute un peu le moteur que j’avais oublié et je scrute le ciel. Je repère le DR400 en descente ; j’hésite à lancer un appel radio ; je ne sais plus si je suis dans une zone autorisée ou non ; ça m’est égal ! Sécu, je vire à gauche et lui à droite, je n’ai pas le temps de lui lancer un appel radio. Déjà, il s’éloigne en remontant le glacier. Visiblement, il ne m’a pas vu et il a décidé de remonter vers les Grandes Jorasses.
Je fonce droit sur le Mt Blanc
Le Dolent qui marque le point où se rejoignent les 3 frontières.- France, Suisse, Italie - se découvre, imposant, sur ma droite. Je passe sur le Glacier du Tour. Tout en bas le village du Tour et de grandes surfaces vertes : « impec pour la sécu ! ». Moi aussi je décide de remonter un glacier. Mais au sommet du Glacier du Tour, c’est la frontière. La pente du glacier et ma trajectoire de montée se rejoignent inexorablement. Les crevasses béantes se rapprochent. Le vent, bien laminaire, me porte mais je me méfie d’un rouleau, surtout derrière le col. Un large virage à gauche pour prendre un max de hauteur. Je passe le col à 100m sol. Pas une turbulence...
Les Grandes Jorasses, la dent du Géant, la mer de glace
Je rentre à la maison
Yououoouu!!!!!
....
maybe to be continued