J'avais vu ce film lors de sa sortie voici bien des années, et je l'ai revu, avec beaucoup d'émotion, il y a environ deux ans, alors que j'écrivais mon roman, "La légende de Little Eagle". Parallèlement à de nombreuses lectures de souvenirs de pilotes, je voulais tenter de me mettre dans la peau de ces aviateurs, qui connaissaient la plus forte mortalité parmi toutes les catégories de combattants. Et les bombardiers étaient les plus vulnérables, les plus touchés. Un extrait:
Les fighters savaient aussi le courage dont ces équipages devaient faire preuve lorsque – quand ils n’avaient pas déjà été abattus par la chasse allemande - ils arrivaient en vue de leur objectif. Le système de visée de ces forteresses les obligeait à voler pendant une dizaine de minutes droit sur leur cible, à travers les centaines de flocons noirs d’obus d’un barrage meurtrier de tirs antiaériens, sans changer ni de cap, ni d’altitude, et désormais sans protection de leurs « petits amis », les P-51 obligés de retourner à leur base. Et le tribut à payer était terrible : en moyenne, un bombardier était abattu après dix à douze missions. En moyenne. Quelques-uns en accomplissaient davantage, beaucoup étaient détruits entre leur troisième et leur huitième sortie. Il y avait dix équipiers à bord. Certains mouraient dans les flammes, coincés ou blessés dans la carlingue. Ceux qui sautaient en parachute se retrouvaient presque systématiquement prisonniers des Allemands. Les équipages devaient accomplir vingt-cinq missions avant de pouvoir rentrer aux Etats-Unis. Le plus incroyable était que quelques-uns des miraculés qui y parvenaient rempilaient après un mois de congé au pays.
Le lieutenant Garreau savait tout cela. Il savait aussi que les escadrilles de bombardiers et leurs équipages, en raison de la dangerosité extrême de leurs missions, étaient souvent bénis avant leur départ par un chapelain de l’armée. L’un d’eux – un New Yorkais d’origine irlandaise - était célèbre et aimé pour la petite phrase qu’il prononçait tout à la fin de son laïus, après son « Béni soit le Seigneur, qu’il vous accompagne dans l’accomplissement de votre devoir et vous permette de rentrer tous sains et saufs. Amen. » Il faisait alors signe à ses ouailles de se rapprocher de lui en un cercle serré et leur murmurait : « Et foutez-leur la pâtée ! »
La leçon de ce film est que les équipages de bombardiers ne pouvaient pas s'en sortir s'ils ne se comportaient pas comme un "team". Et les gamins parfois caractériels ou immatures du "Memphis Belle" y parviennent, envers et contre tout. La séquence d'ouverture du film est bouleversante, car elle illustre à la fois l'innocence de ces jeunes gens et l'horreur qui les attend à chaque mission. La séquence finale est également magnifique.Remember."La légende de Little Eagle"[b]