Comme me l'a demandé Julien, je fais un petit article sur la fameuse histoire des longerons de nos DR-400.
Les faits
Tout commence le 22 juin 1997 lorsqu'un DR-400 180 immatriculé F-GKQF, s'écrase dans le sud de la région parisienne. A son bord se trouvait 4 personne : 3 passagers plus 1 pilote (pilote pro qualifié IR avec 650h de vol dont 300 d’instruction). Ce vol était un vol d’initiation pour les trois passagers.
Voici la trajectoire suivie par le F-GKQF d’après les informations du radar primaire d’Orly :
(source : rapport de BEA)
Ce trajet a été effectué dans les domaine normale d’utilisation de l’aéronef : masse de 1022kg (masse maxi : 1100kg pour ce DR-400), centrage de 29%, vitesse moyenne 210km/h. Le pilote ayant conscience que la nuit aéronautique était proche, il ne s’est pas trop éloigné. De plus, la vitesse et le rayon du 360°, effectué au dessus du domicile des passagers arrière, indique une inclinaison d’environ 20°. Enfin, la hauteur estimée de l’appareil lors de la rupture est de 1500ft soit le maximum autorisée dans la zone aérienne.
L’avion n’étant pas rentré à la tombée de la nuit aéronautique, des membres de l’aéroclub, après de appels radio restés vain, ont donné l’alerte. L’épave est retrouvée le lendemain (la balise de détresse n’a pas fonctionnée car elle a été détruite lors du crash). Les quatre passagers sont décédés. Les débris étant éparpillés sur 50m, l’avion a donc percuté le sol à grande vitesse. L’extrémité de l’aile droite est retrouvée à 1100m de l’épave et la fixation du train à 100m de là.
L’enquête
Ce DR-400 avait effectué à la date de l’accident 2776h de vol et 3913 atterrissages et 779h depuis la dernière grande visite. Le dernier vol effectué avant l’accident d’une durée 1h44 ,remontait au jour même. Le pilote précédent n’avait formulé aucune remarque après l’atterrissage.
Après analyse du moteur et de l’hélice, aucune trace de dysfonctionnement n’a été relevée.
Lors des premiers examens de l’aile droite, des défauts de collage ont été constatés. C’est alors qu’une première consigne de navigabilité (CN) est publiée par la DGAC le 15 novembre 1999. Cette dernière demande l’inspection de 9 appareils, dont le numéro de série est proche de l’avion accidenté. Le nombre sera ensuite étendu à 22 appareils.
L’aile droite accidenté sera reconstitué et une succession de défauts de collage sera mise en évidence sur le longeron de l’aile droite (1m45), ces défauts sont dus à un manque de pression au collage.
Une expertise est demandée par le BEA. Un scénario est défini : « rupture de la voilure au niveau du dièdre, l’effort sur le câble de commande d’aileron (passant le long du longeron) fait se rompre le support de la poulie de renvoi d’angle et déforme le guignol, le câble ne peut résister à la tension et se rompt, l’entoilage ne pouvant pas supporter toutes les charges se déchire […], la succession d’effort dans des sens différents a pour conséquence la rupture […] du longeron.
A la demande de la DGAC, un longeron « identique », c’est à dire avec les même défauts de collage (soit environ 50% du collage « normal ») est fabriqué par Robin Aviation, est réalisé afin de permettre des essais statiques. Les tests effectués jusqu'a la rupture de ce dernier ont démontré qu'il résistait à 8G soit l’équivalent de 1.29 fois la charge extrême (soit près du double des charges limites qui sont sur un DR-400 en catégorie N de +3.8G et – 1.9G )(les charges extrêmes étant égales à 1.5 fois les charges limites.). Il est même démontré plus tard que même une aile collée à 30% de la normale résiste aux charges extrêmes ( le concepteur de l’aile, monsieur Jean Delemontez avait donc pris une large marge de sécurité.)
Toute fois cette aile étant neuve, ces caractéristiques sont sans doute très différentes de l’aile accidenté qui avait effectué pratiquement 4000 atterrissages et plus de 300h de vol. (De plus,la résistance du bois varie à l’inverse du taux d’humidité de celui-ci)
En outre, la colle utilisée par le constructeur, Robin aviation, de la Penacolite G1131 nécessite un encollage des deux surfaces à collée et une pression de 7 à 17 Kg/cm carré. Hors, le constructeur par une consigne interne laisse libre choix entre l’encollage d’une seule ou des faces. De plus, l’outillage (serre-joints ou pince de menuisier) utilisé ne permet pas de vérifier la pression appliquée lors du collage.
Conclusion
Le 14 juin 2000, la DGAC a émis un consigne de navigabilité (CN), concernant tous les DR-400 de tout modèle et de toute année de fabrication, qui restreint l’utilisation à la catégorie normale (N) dans l’attente d’investigations en cours. Le 31 octobre de la même année, une troisième consigne de navigabilité est émise. Elle prévoit le maintient de la consigne précédente sauf pour l’appareils n°2447 et tous les appareils dont le numéro de série est supérieur au n°2451. La dernière CN, entrée en vigueur le 27 septembre 2003 impose aux avions DR 400 dont le longeron a été réalisé entre 1987 et 1993, un renforcement du longeron avant le 30 juin 2005. Un délai supérieur est accordé aux avions dont le longeron a été fabriqué avant 1987 et après 1993 : le renforcement doit s’effectuer avant le 30 juin 2008. Un tolérance de 2 mois ou 30h est cependant acceptée pour faire coïncider l’intervention avec une visite programmée. Les conditions de ce renforcement sont décrites dans le paragraphe suivant.
Le renforcement à effectuer
Le renforcement consiste à ouvrir et renforcer le longeron sur tout la partie « plane » (entre l’emplanture et le fuselage soit environ 1,45m). Pour ceci, il faut décoller la toile recouvrant l’intrados du longeron et faire deux trous entre chaque nervure à la scie cloche et scier le bois séparant ces deux percées pour obtenir des baies permettant l’accès à l’intérieur du longeron. Ensuite, il faut enlever l’excédent de colle pour préparer le collage des renforts qui sont ensuite ajustés et collés comme le montre la photo suivante. Un fois le tout terminer, on referme les baies à l’aide de planche de contreplaquer. On entoile, refait l’immatriculation sur l’intrados et on attend 6 jours à partir de la fin du collage pour refaire prendre l’air la bête.
Pour finir, cette intervention à la charge du propriétaire, coûte quelques 3000€. La fédération accorde une bourse de 1000€ pour les aéroclubs, cependant Apex Aircraft n’intervient pas financièrement.
Merci à Axel et Alexis pour cette photo
Pour en savoir plus et voir quelques images supplémentaires, vous pouvez toujours faire un tour par ici :
http://perso.wanadoo.fr/malibos.aviation/vp1.html (comme vous pourrez le voir, dans cet atelier, on a inventé un système pour retourner l’avion, ce qui n’est pas le cas de tous.)
http://www.pilotlist.org/dispo/jd5/