La veille de l'examen, mon instructeur m'a informé que la navigation prévue sera la suivante. Je dois amener seul l'avion ( un robin DR400 120 cv ) à Sarlat depuis Bergerac et de là, prévoir un départ vers Rodez, puis Albi et retour Sarlat; avec entre temps de multiples exercices.
La météo n'était pas vraiment au mieux en ce début de printemps. Une perturbation s'évacuait et laissait derrière elle une traîne assez active avec certes de bonnes visibilités, mais aussi de bons gros cumulonimbus qu'il s'agit absolument d'éviter en aviation ( particulièrement en aviation légère ). Cumulonimbus qui sont à l'origine de grains très soutenus avec grêle, orage, pluie et vent très violents.
Après avoir soigneusement pris la météo au bureau météo France de Bergerac et préparé mon dossier de vol ( devis de masse et centrage, calcul de l'autonomie, cartes d'approche à vue des terrains sur lesquels ont devait se poser , ainsi que les cartes des principaux terrains sur le trajet et prise des derniers notams ); mon instructeur m'informe d'un imprévu. Étant son tout premier élève formé de A à Z ; il a demandé à l'examinateur une faveur qui consistait à venir assister au vol en tant que simple passager, afin de savoir comment se déroule un vol d'examen; et sans intervention possible de sa part. J'ai accepté. J'allais donc être doublement jugé, à la fois par l'examinateur et par mon instructeur assis en place arrière, mais qui ne pouvait dire mot.
Petite pression quand même, il s'agissait d'assurer!
Bon, la météo tendait à s'améliorer et on a passé un coup de fil à l'examinateur pour lui confirmer notre venue à Sarlat depuis Bergerac ( 20 minutes de vol environs ).
Une fois arrivés, complément des pleins d'essence de l'avion, et présentation du dossier de vol à l'examinateur qui commence à me poser diverses petites questions; notamment sur la météo du jour. Que doit on s'attendre à trouver aujourd'hui comme conditions? Ces dernières nous permettent elles de prendre l'air sans risque? Ainsi que sur la carte TEMSI ( carte du temps significatif , qui présente une situation globale à une heure donnée de la météo sur la France ( mais aussi sur l'europe avec la carte TEMSI EUROC...il y en a tout un tas ) . "Pouvez vous me dire à quel calage altimétrique est donné la carte TEMSI? " Réponse; au calage altimétrique QNH pour la TEMSI France ( en altitude ) et au 1013 ( calage altimétrique standardisé correspondant aux niveaux de vol ) pour la TEMSI Euroc.
. Ainsi que quelques petites questions à propos du trajet, les éventuels terrains de dégagement au cas où; les zones militaires à surveiller, les notams sur les terrains etc etc...
Bon, une fois l'exposé du vol terminé et les quelques questions pièges de théorie posées ; nous nous sommes dirigés vers l'appareil, mon examinateur, mon instructeur ( qui a tout suivit sans intervenir ) et moi même. Là, pré vol effectuée et expliquée à l'examinateur, les points à vérifier, le briefing cabine, comment s'attacher, se détacher, évacuer l'appareil en cas d'atterrissage forcé / d'accident. Il m'a mis en confiance ; forcément, j'étais un brin stressé. " Écoutez, à la fin du vol il faut que vous m'ayiez convaincu que demain, si j'ai besoin, vous puissiez amener ma femme et ma fille en toute confiance ".
Mise en route; on laisse chauffer le moteur 2 / 3 minutes, puis on se dirige vers le point d'arrêt piste 29 à Sarlat pour un départ vers Rodez. Essais moteurs, 1800 tours, tout dans le vert, on poursuit, coupure magnétos 1 ; perte de moins de 100 tours, tout va bien, on revient sur 1 + 2 ; puis coupure de la magnétos 2 ; perte de moins de 100 tours également, parfait magnétos 1+2 de nouveau. Essai de la réchauffe carburateur ; perte de 50 tours. Parfait. essai ralentit moteur à 600 tours, aucun problème. Tous les voyants moteurs sont vérifiés, tout est au vert. Essai des commandes, libres et dans le bon sens; pompe électrique enclenchée, volets sur 10°, compensateur réglé; compas recalé, altimètre vérifié, transpondeur sur 7000 et ALT, phare et strobe vérifiés enclenchés; passagers et pilote attachés, verrière fermée, verrouillée; personne en finale, personne sur la piste. Message radio et prise d'un TOP départ pour la nav qui est prévue pour durer environs 2h30 avec le trajet initial. ( mais je me doute bien, qu'il va y avoir du changement en l'air! )
" A Sarlat le F-IU , on s'aligne et on décolle piste 29, départ par l'Est vers Rodez ".
Pleins gaz, l'avion qui n'est pas un foudre de guerre s'avance d'abord doucement; j'annonce à haute voix; " Tours moteurs OK ; paramètres moteurs OK ; badin actif " ; on arrive à 60 noeuds à mi piste ( environs 700 mètres de piste disponible à Sarlat ) ; rotation; l'appareil s'élève doucement dans les airs, petit palier d'accélération en effet de sol et prise de l'assiette de montée standard à 70 kts.
Passé 300 pieds; rentrée des volets et coupure de la pompe électrique, tout est toujours dans le vert ; on poursuit. Passé 500 pieds, prise de cap vers Rodez. On poursuit vers l'altitude de croisière et on quitte avec Sarlat pour passer sur le SIV ( service d'information de vol ) de Rodez.
" Rodez information bonjour; le Fox India Uniform ". " Bonjour F-IU " . " Un DR 400; F-GCIU au départ de Sarlat pour toucher à Rodez puis départ vers Albi à l'issu; on est stable à 4000 pieds, on fait route au 120 ° ; on transponde 7000 et on estime l'arrivée à Rodez dans 35 minutes" . " Reçu F-IU, vous passez 3413 au transpondeur et rappeler pour tout changement de cap ou altitude ". On poursuit donc vers Rodez dans des conditions météo assez perturbées et pas mal de turbulences; l'air est resté instable et la présence de nombreux cumulonimbus ; même à plusieurs dizaines de nautiques participe à créer une atmosphère turbulente; surtout dans cette région ( l'Aveyron ); particulièrement venteuse et avec de beaux reliefs accidentés.
Mes points de repères passent les uns après les autres sans souci particulier ; les paramètres sont régulièrement vérifiés et l'examinateur en profite pour me questionner de temps à autres.
On quitte avec le SIV pour passer avec la tour de Rodez; on nous signale un vent d'ouest de 15 noeuds, rafales 25 noeuds, soit une composante d'environs 15 degrés à l'ouest par rapport à la piste, qui est orientée Nord Ouest Sud Est. Petite difficulté donc. Le contrôleur nous invite à nous présenter directement en base pour nous faire gagner du temps car il a un trafic IFR ( un gros ) qui arrive sous peu et on aurait été obligé d'orbiter en attendant son atterrissage. Bon arrivée optimisée ; pas de vent arrière, on se présente en base, réduction moteur, réchauffe carburateur, pompe électrique on ; arc blanc ; sortie d'un cran de volets ; on arrive en dernier virage puis en finale , sortie d'un deuxième cran de volet; vitesse affichée 75 kts.
" F-IU Vous êtes autorisés au touch piste 31 , vous rappelez en sortie sud vers Albi"
Le vent tend à me faire dévier de ma trajectoire en finale, il faut donc que je compense en prenant une dérive significative pour garder mon axe de piste; tout en maintenant la pente de descente et en vérifiant ma vitesse, mon régime moteur. Arrivés à quelques mètres de la piste; je "décrabe" l'avion, je le remet droit par rapport à l'axe de piste, et pour éviter qu'il ne parte de nouveau avec le vent, je compense en mettant du pied ( gouvernail ). Le but étant de faire toucher en premier la roue qui est au vent, puis l'autre roue du train principal, et enfin la roulette de nez. Tout se déroule bien.
Je rentre un cran de volet pour revenir à 10°, je remet la réchauffe carbu sur off et pleins gazs, prise d'un nouveau top. Rotation puis prise de cap vers Albi. On quitte avec Rodez.
Là mon examinateur simule qu'il ne se sent pas bien; il faut rapidement trouver un terrain de dégagement ; vite ; je prend la décision de me dérouter vers le petit terrain en herbe , en pente et encaissé , avec la montagne d'un côté et la ville de l'autre !! de Villefranche de Rouergue. Prise d'un nouveau TOP ; calcul rapide d'un cap pour rejoindre le terrain depuis ma position actuelle; arrivée estimée sur le terrain, 10 minutes. On informe le SIV de notre déroutement. Arrivée verticale de Villefranche avec 2 minutes d'avance; on s'intègre ( verticale terrain + 1000 pieds + 500 pieds ), vers la vent arrière; pour un premier toucher. Tout se passe bien, on touche, même si l'état de la piste en herbe après la perturbation de la veille est assez moyen ; on repart, et là . Simulation panne moteur au décollage; l'examinateur me coupe les gazs et mets la réchauffe carburateur ( le givrage peut intervenir même par températures largement positives sitôt qu'il y a un certain pourcentage d'humidité ); vite réaction immédiate, rendre la main; garder sa vitesse ( La VI ( vitesse indiquée ) c'est la VIE m'avait martelé mon instructeur! );et ce, pour éviter tout décrochage qui serait fatal en phase de décollage; et ensuite trouver un endroit où tenter de poser l'avion en fonction de la configuration des lieux. L'examinateur en ayant vu ma réaction a de lui même remis les gazs à 30 mètres du sol environs.
On reprend notre circuit de piste standard ; arrivée en vent arrière ; nouvelle panne.... de volets cette fois . bon, on majore notre vitesse de 10 % environs, il faut s'attendre à un avion qui va allonger d'avantage sa course à l'atterrissage et la piste de Villefranche n'est vraiment pas longue; il va falloir être précis et stabiliser convenablement son approche sinon on risque d'effacer la piste et d'arriver trop longs. On touche sans problème; montée initiale, nouvelle panne moteur. Même réaction que précédemment, mais là j'ai eu le temps de trouver un champs convenable pour poser l'avion si jamais cela avait était le cas en cas de véritable panne moteur. On repart pour un nouveau circuit de piste; cette fois ci pour un exercice d'atterrissage à contre QFU, c'est à dire en sens inverse par rapport à notre décollage; sur l'autre piste en somme. On a donc une composante légèrement arrière qui tend à allonger notre course d'atterrissage, il s'agit là aussi d'être prudent car seule la vitesse indiquée nous empêche de décrocher. Le toucher s'effectue sans problème, on reprend notre vol.
L'examinateur me dis de prendre un cap retour vers Sarlat et de monter vers 7000 pieds; je m'exécute; on monte progressivement vers une couche nuageuse ( altocumulus sans danger pour l'aviation légère ). Il me fait entrer dans la couche de nuage pour exercice de vol sans visibilité; Une première pour moi en conditions réelles, auparavant, on avait toujours eu recours aux cartes dépliées devant les yeux, mais assez de nuages pour un vrai VSV ). Les yeux sur la maquette!! L'espérance de vie d'un pilote sans repère extérieur et non entraîné au vol sans visibilité; avoisine les 180 secondes... C'est très surprenant mais il faut réaliser que l'oreille ne perçoit que les accélérations et si l'on se met en virage lent, on a pas la sensation de tourner, et sans référence visuelle extérieure pour se repérer, on est berné par nos sensations et beaucoup de pilotes se sont retrouvés en mauvaises postures, voire l'ont payé de leur vie. On peut même se retrouver sur la tranche ou même sur le dos dans ces conditions.
Là donc, virages à faibles inclinaisons, avec 10 ° environs max et plusieurs ( longues ) minutes dans la soupe sans visi extérieure, confiance absolue dans les instruments de bord, ne pas se fier à ses sensations. Lutter pour maintenir l'avion dans les bonnes conditions de vol, surveiller la vitesse, l'altitude, le vario, les caps à respecter. Après ces joyeusetés; sortie des nuages, et exercices de maniabilité pures ; virages à grandes inclinaisons ; 40 ; 45 : 60 degrés d'inclinaisons ; ( marge d'erreur de 200 ft maxi en sortie de virage et 15 degrés au caps ). vol lent; décrochages, sorties de virages engagés . On remonte vers 6000 pieds et là le testeur me dis,"regardez en bas" . Un terrain ; celui de Figeac .
"Voilà, vous êtes en panne. Vous faîtes quoi?" Je vérifie tous les paramètres moteurs, essence? ouverte, autonomie vérifiée, mixture? riche. contacts? , sur on ; réchauffe carburateur sur on ; huile;autonomie pression essence? bonne. essai de redémarrage moteur, l'examinateur est convaincu et me dit de poursuivre quand même comme si il y avait panne.
Le but de la manoeuvre est de me faire faire un atterrissage de précision à grande échelle; partie de 6000 pieds en vol plané, le but est de me poser à Figeac quelques 5000 pieds plus bas, en début de piste de préférence ( j'avais +200 mètres et - 30 mètres de marge d'erreur à ce qu'il m'a dit après le vol ), je réactive la réchauffe carburateur et affiche ma vitesse de finesse max ( vitesse qui permet le meilleur plané et le meilleur compromis vitesse / perte d'altitude de l'avion ; qui est de 65 noeuds ).
S'ensuit une longue descente en spirales et en S vers la piste ; on arrive en courte, je suis sûr de "faire la piste" ; je sors un cran de volet et arrivée en très courte, arrondi, l'avion se pose tranquillement ( le DR 400 est il faut l'avouer, un crème ), en début de piste. Idéal. On laisse le moteur réchauffer un peu, afin d'éviter le choc thermique qui le flinguerait littéralement . On décolle et là mon examinateur décide que l'examen est concluant et nous propose de faire un brin de tourisme vers le retour vers Sarlat ( soit 20 minutes de vol ) en survolant quelques uns des magnifiques châteaux du périgord. Puis arrivée à Sarlat; nouvelle "blague", ah bah c'est pas de chance, vous êtes en panne de badin ( indicateur de vitesse ) ; il faut donc que je me réfère à mes repères extérieurs, au bruit du vent et que je majore de 100 à 200 tours mon régime moteur en finale, (au risque d'être un peu trop rapide , mais mieux vaut ça que l'inverse! ) et finalement, on se pose.
On arrive au parking, on coupe, je met les flammes sur les prises statiques et le tube Pitot ( les flammes servent à éviter que des parasites , insectes, poussières, ne viennent se placer dans ces petits trous qui nous permettent d'avoir nos informations de vol ).
Débriefing ; ce qui allait, ce qui allait moins. "C'est bon, vous avec passé l'examen de façon concluente, félicitations jeune homme et bons vols". Je jubilais intérieurement, mais j'étais un brin fatigué quand même, car le vol à duré près de 3h30 au total, et il me fallait ramener l'avion à Bergerac par la suite. Mais quel satisfaction! Voilà j'étais désormais PPL et mon instructeur jubilait tout autant d'avoir pour la première fois amené un pilote de A à Z au brevet.
Arrivée à Bergerac au crépuscule, avec la piste éclairée et le contrôleur complice qui m'a félicité.
Bien entendu, tout le monde m'attendait au club et quand ils nous on vu sortir avec de grands sourires, ils ont compris que c'était bon. Champagne pour fêter le nouveau breveté.
Voilà cela fait maintenant près de 5 ans et je m'en souviens comme si c'était hier, le genre de souvenir qui reste à jamais gravé je pense dans la mémoire d'un pilote; tout comme le premier lâché solo. En plus, un 31 Mars, jour de la saint Benjamin, j'étais en confiance!
Bons vols à tous les pilotes et bon vent à toutes et à tous.