Salut tout le monde,
et bien ça y est, c'est parti. Depuis maintenant un mois j'ai entamé mon stage d'intégration pilote à Air France et je vous laisse imaginer le pur bonheur.
Je vais tâcher de vous narrer dans ce topic le déroulement du stage, les impressions des séances simu, la découverte du liner... bref, tout ce qui peut vous intéresser... enfin j'espère... d'ailleurs c'est pour vous faire partager ça que j'ouvre ce sujet donc n'hésitez pas à poser des questions si vous en avez, ou à dire stop si vous trouvez la chose inutile
L'objectif étant de motiver (ou re-motiver) les troupes (n'est-ce pas ML? ) pour se défoncer et parvenir au but rechercher: la place droite!
NB: comme on a pas mal de taf perso et n'ayant pas internet "à dispo" je tâcherais de poster autant que possible mais la régularité n'est pas garantie...
Donc me voilà à Vilgénis passant le poste de sécurité et autant impatient qu'impressionné par ce qui m'attend. Accueil rapide, un petit QCM d'entrée en stage nous attend portant essentiellement sur la réglementation et les procédures opérationnelles. Puis un accueil un peu plus formel par un expert PNT qui nous explique ce qu'on attend de nous en TRR et qui nous file la doc (volumineuse) pour attaquer du bon pied.
Puis le stage a commencé par une semaine de radiotéléphonie. En effet, le FCL1.200 est loin et une remise en jambe est nécessaire.
La simulation des vols fictifs se fait dans des cabines individuelles avec un écran d'ordinateur sur lequel apparait un PFD (Primary Flight Display), un ND (Navigation Display) et l'ACP (audio control panel, le bloc radio quoi). Un dossier de vol nous est remis avec le plan de vol, les routiers et les fiches de procédures. Les communications du contrôle et des autres traffics sont des communications enregistrées pendant des vols réels avec la qualité que chacun sait. L'instructeur n'est là que pour écouter et juger la qualité des réponses il ne joue pas le rôle du contrôleur mais envoie les fichiers sons en fonction de nos réponses. Chaque séance dure 1h30 et ça n'est pas toujours une partie de plaisir. Au terme des 5 jours un test valide notre niveau (75% mini). Les instructeurs nous préviennent: à l'entrée, un stagiaire lambda tourne entre 75 et 80%, un pilote qui reviendra pour passer CdB (et donc sera passé par la case long courrier) tournera vers 90%.
L'anglais passé, place à l'avion. Une semaine de cours TU (Techniques d'Utilisation, des cours portant sur l'utilisation de l'avion, ses perfs, etc...) vont nous préparer aux séances simu. Cependant il ne s'agit pas de cours TU de QT. En effet, l'intégration d'un pilote à AF se déroule en plusieurs étapes:
- TRR: Transition Réacteur (on apprend à piloter un avion à réacteurs)
- QT: Qualification de Type (on apprend à piloter un A320, c'est la première QT qu'on passe à AF)
- AEL: Adaptation En Ligne (on apprend à piloter un avion à AF... on apprend les procédures)
L'objet de la TRR étant le pilotage de base et le travail en équipage, l'avion utilisé est un avion dit "générique". Autrement dit on n'approfondit pas le sujet et on se cantonne aux connaissances essentielles. Les simus B737-500, A310 et A320 sont utilisés comme "support". Bien entendu le faire sur A320 a l'intérêt non négligeable d'apporter une expérience de 16 séances simu sur la machine dont on va passer la QT ensuite. De plus, c'est un avion relativement "aisé" à piloter (en comparaison aux 310 et 737). En ce qui nous concerne, c'est avec plaisir que notre "promo" effectue la TRR sur 320
Et enfin, les séances simus arrivent. Moment tant attendu s'il en est, car même si on sait que c'est du simu, c'est du Full Flight! Et c'est du 320! Bref, les choses sérieuses commencent.
La "séance" commence par 1h30 de briefing où sont passés en revue les exercices de la séance, on revoit ce qu'on va y faire, on aborde les points nouveaux ou délicats, on se passe le film de la séance histoire de cerner ce qu'on cherche à atteindre.
Puis la séance de simu à proprement parlé. Une séance simu dure 4h: 2h en tant que PF (Pilot Flying) et 2h en tant que PNF (Pilot Non Flying). Le PF pilote l'avion, gère la trajectoire et la poussée. Le PNF gère le reste: radiocom, technique, lit le C/L, etc... le tout dans un contrôle mutuel permanent (chacun contrôle le travail de l'autre).
L'installation à bord est laborieuse, faut prendre ses repères (et c'est tout noir là-dedans...), mais très importante. En effet, le pilotage au mini-manche nécessite une installation optimale du bras tenant le manche. Sans appui idéal du coude, ou avec un poignet "cassé" l'avion ne se pilote plus très bien et la trajectoire devient hasardeuse. De même pour la position du siège, un écart de 2cm en hauteur par rapport à la hauteur des yeux "prévue" dans le poste réduit le segment visuel (la portion de sol vue depuis le cockpit) de 40m! Pas très pratique en CAT II ou III...
Une fois l'installation effectuée, les guides commencent, les C/L s'enchainent, et le décollage commence.
PNF: "Décollage, V1 147kt"
les manettes vont chercher 50% de N1, puis dans le cran TOGA (poussée max = Take Off Go Around)
PF: "N1 TOGA 93,7%"
PNF: "poussée disponible"
vérification des badins: PF et PNF: "100kt"
PNF: "V1" le CDB lâche les manettes de gaz
PNF: "Rotation"
Le PF va chercher 15° d'assiette
PNF: "vario positif"
PF: "Train rentré"
Le PNF rentre le train et annonce "Train rentré verrouillé" une fois celui-ci rentré.
La montée se fait en plusieurs étapes, nous sommes en décollage moindre bruit, donc à 1500ft AAL on réduit la poussée en maintenant comme vitesse V2+10. Puis à 3000ft AAL, le PF amène l'assiette à 7.5° et demande "Speed 250", annonce à laquelle le PNF affiche au FCU (Flight Control Unit, le bandeau de commande du PA et des automatismes) "250" dans l'afficheur SPEED. On accélère et on rentre les trainées au fur et à mesure, puis à 250kt on reprend la montée avec une assiette de 10° environ. Les altis passent au standard et la C/L après décollage est demandée.
On arrive à l'altitude de croisière (FL70) et commencent les exercices. La première séance est une séance de prise en main. On fait des virages standards, on va chercher les grandes inclinaisons (jusqu'à 60°) et on découvre le fonctionnement du 320. L'avion est autotrimmé. Ce qui veut dire que si vous affichez une assiette (disons 12.5°) et une inclinaison (27°), si vous lâchez le manche, l'avion conservera assiette=12.5 et inclinaison=27... Elle est pas belle la vie? Cela dans un domaine qu'on découvre: 33° en inclinaison (au-delà il faut travailler au manche pour conserver l'assiette).
En tangage il y a des butées: +30°/-15°. Vous pouvez amener le manche en butée, l'avion n'ira pas au-delà de ces limites. En revanche, autotrim ne veut pas dire auto-poussée. L'ATHR n'étant pas branchée, attention à la vitesse. Et à 30° d'assiette ça diminue assez rapidement. Et le vario (instantané sur cet avion) qui culminait déjà à 13-15000ft/min ne va pas se maintenir. Un coup d'oeil à l'échelle des vitesse sur le PFD et on découvre les protections "alpha prot" et "alpha max". Ce sont des vitesses de protection grandes incidences (en fait ce sont des incidences, mais dont on affiche sur le PFD la vitesse correspondant à cette incidence). A "alpha prot" la protection devient active, et le manche commande directement l'incidence. "alpha max" ne sera jamais dépassée, car si la vitesse chute jusqu'à "alpha max", l'avion rend la main malgré la position manche. Ce sont des protections contre le décrochage et le cisaillement.
De même en piqué, quand la vitesse atteint VMO+6, un couple cabreur est initié par l'avion pour limiter la vitesse à VMO+6.
En inclinaison, l'avion est limité à 67°.
Enfin, chose difficile à gérer quand on a fait un peu de vol à voile... le pied est banni du virage! On n'utilise le pied (en vol) qu'en cas de panne moteur. La conjugaison est gérée par les commandes de vol électrique.
Ce qu'il faut bien cerner, c'est qu'on ne pilote pas un braquage gouverne quand on agit sur le manche. On pilote un facteur de charge. Une fois que cette notion est intégrée on arrive à piloter l'avion (et c'est pas toujours facile à s'en rappeler quand on se bagarre sur son axe).
Particularité propre des avions à réacteurs, l'inertie. Sur un avion à hélice, une action sur la manette des gaz engendre une réaction immédiate du moteur. Sur les réacteurs, l'inertie de l'attelage rend la chose plus "poussive". Et quand on descend vers une altitude, alors que la poussée est en ralenti vol avec les manettes en "idle", l'anticipation à avoir pour stabiliser au niveau et à la bonne vitesse, avoisinne les 10 secondes. Le temps pour les réacteurs pour atteindre le N1 correspondant. Sur les turboprop le problème ne se voit presque pas. Les attelages des turboprop étant beaucoup plus petits l'inertie n'a rien à voir, et le temps de réponse du moteur quasi immédiat.
Je m'arrête là pour aujourd'hui, n'hésitez pas pour les questions