Le matin même, la météo s'annonce encore plus mauvaise que prévu. Vol reporté, dans l'espoir que cela s'améliore un tantinet l'après-midi.
En effet, ça s'améliore. Le NOTAM de Cahors indiquant que la pompe n'est pas dispo, je décide de filer à l'aérodrome pour voir s'il y a assez d'essence et de faire un dernier jugement sur la météo avant d'appeler Adrien. C'est volable, mais c'est pas top (dans tous les cas on peut pas faire la nav prévue). Je lui demande s'il préfère pas remettre le vol à plus tard mais il préfère quand même venir. Il a déjà fait une dizaine d'heures de vol pendant une colo pour info.
Pendant la vérif de l'avion je constate qu'il y a toujours le même surplu d'huile depuis presque un mois, mais rien d'inquiétant. Niveau carbu on a un peu plus d'1h de vol (raison de plus pour ne pas pouvoir faire la nav prévue). On se prévoit donc un petit tour de 30min autour de Cahors. Pendant ce temps un autre jeune du club arrive pour se faire des TDP en Dr400.
Nous on s'installe à bord. Instantannement le pare-brise est recouvert de buée Je l'informe des quelques rêgles a respecter en tant que passager et démarre la check-list. Le moteur a beaucoup de mal a démarré (il a fallu 4 ou 5 essais), du au froid et à mon manque d'habitude (11h), mais au moins maintenant j'ai bien pigé le truc. Du givrage se forme entrainant de bonnes vibrations, mais cela ne perturbe heureusement pas Adrien. Ca disparait au fur et à mesure que le moteur chauffe.
"Cahors d'Oscar Echo bonjour... FJXOE, un ULM au parking pour un TDP suivit d'un vol local secteur nord."
"Woouuaa tu parles bien."
"Pffff" (il dit ça parce-qu'ils disaient souvent n'importe quoi lors de la colo, m'a t-il raconté).
On roule jusqu'au point d'arrêt, pendant ce temps le Dr400 décolle. Je vérifie tout et effectue très soigneusement les essais moteurs, surtout le ralenti (j'ai en mémoire le dernier vol où on était à 2 doigts de caler à la réduction de l'arrondi). Tout se passe bien. La piste est bien dégagée, on s'aligne. Adrien est assez stressé en avion (surtout quand c'est petit), mais il est d'accord pour un décollage sur frein et un palier après rotation. De cette manière l'avion accélère fort (100cv pour un peu moins de 420kg ce jour là) et on est très vite en l'air. Quelques secondes de palier et je cadence.
"oooh putain"
Sur le coup je prend ça pour un "oh putain ça envoit", mais il me fait très vite comprendre qu'il supporte très mal le taux de montée. Merde, je m'en veux d'y être allé un peu fort (en plus du fait que cet avion monte très vite tout seul) et je réduis dessuite le taux de monté.
"On fait le TDP, tu me dis comment tu te sens en vent arrière et on vera si on continue ou pas".
Il s'excuse et pense qu'il va falloir s'arrêter. De mon coté je m'excuse aussi d'y être allé un peu fort, même si je ne pouvais pas prévoir la réaction. Après il me fait comprendre qu'il est mal à l'aise à cause de la taille de l'avion et du cockpit, et la peur du vide (et des montée à forte pente). Finalement en vent arrière, une fois l'avion stabilité, il se sent beaucoup mieux et il est partant pour faire le vol. De mon coté je m'efforce de piloter en douceur, avec de faible pentes et des virages à moins de 30° d'inclinaison (ça change ).
On arrive en finale en s'annoncant pour un touché. Je réduis tout à l'arrondi... Quelques vibrations puis silence dans la cabine. C'est quoi cette pale d'hélice dans mon champ de vision? Sur le coup je me dis "Pas grave, on atteind quand même la piste, mais putain, mon passager est déjà stressé, il manquait plus que ça pour le mettre à l'aise ". Après un court instant il se met à en rire. Je pose l'avion "Bon, je crois qu'on va s'arrêter". Et là "Hein? Mais non c'est bon t'inquiètes!", "Ok comme tu veux". On redemarre comme si ne rien n'était et on repart. En fait son expérience lui a fait comprendre que la panne n'était du qu'à un ralenti trop fort et que donc on ne risquait rien en vol (à moins de vouloir faire un exercice de panne en campagne). Comme quoi, stressé en vol mais toujours capable de raisonner.
On fait notre ballade, un peu raccourcit car il n'est toujours pas complètement à l'aise avec l'habitacle (ça ça peut pas changer). On survol sa maison. Un check sur l'altitude... uh? Quelque chose va pas, 800ft (à Cahors le sol est à ~900ft). J'ai mal calé mon altimètre (cela ne serait pas arrivé avec un AFIS qui m'aurait donné le QNH... bref, noté pour la prochaine fois), avec une erreur de -1000ft. Rien de grave en soit. Je suis donc à 900ft ASCF. On fait en tout 3 passages pour qu'il puisse bien voir et prendre des photos. Je fais mes virages en mettant du pied pour déraper un peu (ça permet de garder un bon rayon de virage tout en limitant l'inclinaison = moins de stress pour le passager).
On prend cap sur Cahors. Je remonte un peu. On va contourner la ville par le nord puis retour. Je longe la ville 1500-2000ft ASFC. La couche de nuage en face se rapproche étrangement vite... Ah bah mince, elle est déjà sur nous. C'est une couche d'alto-cumulus (~300ft d'épaisseur), 7/8, qui me bloque la route en face et à ma gauche. Et à droite, il y a la ville (survol à 3300ft). Dans quelques secondes on sera dedans. Le risque de croiser un avion en IFR est quasi nul, mais je n'ai pas d'horizon artificiel (même pas un indicateur de virage). Je décide de survoler une petite partie de la ville en dessous de l'altitude règlementaire, en longeant la couche tout en montant sur une faible pente. J'ai jugé que c'était pas cher payé d'enfreindre de si peu la règlementation pour ne pas réveiller la peur qu'Adrien avait eu au décollage. S'il avait fallu survoler toute la ville, là ça aurait été différent.
Une fois la situation stabilisé, on prend le cap retour et je regarde tristement la couche d'alto cumulus s'éloigner en pensant que seul je me serai permis un petit cloud-surfing. Pas grave, la prochaine fois.
Depuis tout a l'heure je comprend mal ce qu'on dit à la radio, l'intercom est activé en permanence. Je tente 2-3 réglages mais rien n'y fait. Je relève la tête "OH PUTAIN", le Dr400 qui arrive en face à face à 500m. J'incline instantannement à droite pour assurer un espacement correct. Il ne m'a pas vu, il était en montée, moi caché sous son nez. Je continue le virage à droite jusqu'à être aligné en vent arrière.
Tour de piste assez large, il faut prévoir suffisamment de place pour descendre sur une faible pente. On va se faire un atterrissage court. En base je commence à réduire à 2000tr puis un peu en dessous... quelques vibrations discrètes mais inquiétantes. Tant pis pour l'atterrissage court, je garde des gaz et je réduirais que quand je serai sur d'atteindre la piste sans problèmes.
Le moteur tient bien les 1500tr en fait (régime du ralenti), mais on sent que la manette des gaz peut aller un peu plus loin en arrière. Ce qui prouve que le calage est bien du à une manette des gaz trop souple, et non un problème moteur. Je touche, rapidement et sans trop prendre la peine d'être pile dans l'axe, car occupé à surveiller les rpm.
Finalement j'arrive à sortir au 1er TWY. Une fois la piste dégagé je refais un test en tirant les gaz jusqu'au bout... calé. Responsable et soucieux de la sécurité du vol suivant (cela va de soit), je laisse un mots dans le carnet pour signaler le problème au prochain utilisateur. Le danger n'est pas à l'arrondi, mais plutot en cas d'exercice de panne en campagne, mais il faudrait que le pilote oublie de tenter un redémarrage pour faire un atterrissage forcé
C'est bien les vols avec des imprévus, ça forge l'expérience.
Vidéo du dernier atterrissage. On notera la précision du compas, qui indique un cap 210 alors que le QFU de la piste est 309 A prochain vol je prend ma boussole tiens.
https://www.youtube.com/watch?v=dK2KGKo1baE
PS: Oui je sais, le coin est très moche