Instructeur à l’ATC : « F- F* on va faire quelques évolutions entre A et B»
ATC : « F-F* c’est compris, rappelez en fin d’exercices »
Instructeur à l’élève : « ok, tu prends tel cap »
L’élève s’exécute…
Quelques secondes s’écoulent…
Instructeur : « si dans 10 secondes tu n’as rien fait, on est tous mort !!! »
L’élève, surpris d’une telle remarque et ne comprenant pas le pourquoi (moi non plus en fait) se fixe sur l’horizon et rétablit immédiatement le virage engagé qu’il était en train de faire… !!!
Pendant toute ma formation PPL qui n’en était alors qu’au milieu, on me répétait sans cesse « si tu rentres dans la couche tu n’en sortiras probablement pas ! » et je n’arrivais pas à comprendre le « comment on peut tourner sans s’en rendre compte ». Il a fallu le vivre pour le comprendre. J’avais beau dire « je sais » mais je ne comprenais pas pourquoi.
On me disait « c’est comme dans une avalanche » : si tu es pris dedans, tu ne sais pas où est le haut, le bas, les coté, etc… N’ayant (heureusement !) jamais vécu cette situation je disais encore et toujours « je sais » mais la compréhension du « pourquoi » était loin d’être acquise. « De la belle théorie » je pensais ! Même sans repère extérieur, le dernier des demeurés est capable de dire si ça tourne ou pas !
Jusqu’à ce fameux jour d’été où – inclinée à 60° – « je pensais » aller droit, « je croyais », « j’avais la sensation », « je sentais »… Même si l’horizon était – elle aussi – inclinée à 60° ainsi que tous les autres instruments, « c’est eux qui se trompent, moi je sais parce que je ressens»… Comment lutter contre ce que nous disent nos tripes au plus profond de nous même ?
Le plus surprenant, c’est que même si l’on est rivé sur l’horizon, on a la sensation qu’on tourne lorsqu’on a les ailes à plat et inversement qu’on va droit lorsqu’on tourne comme dans le cas précédent ! (un virage engagé, on pense qu’on le sent vu les inclinaisons !)
Ainsi, il faut toujours faire confiance à l’horizon - ce qui est loin d’être simple quand « on a la sensation contraire », quand on doit croire l’opposé de ce que nous disent nos sens…
« Oui mais MOI je sentirai bien quand je tourne ou pas !» FAUX ! Je me disais ça aussi avant de vivre cette expérience… « Pffff, moi, je verrai bien » et autre, ça ne marche pas ! Je sais que ceux qui n’ont pas encore vécu cette expérience vont se dire « pfffff, elle est franchement pas douée et nullissime pour ne pas sentir ça » et pourtant, messieurs dames, vous verrez, vous serrez tout surpris le jour où ça vous arrivera ! Car ne vous surestimez pas, ça vous arrivera forcément lorsque vous ferez de l’IFR ! Et j’espère que vous le connaîtrez vite car à ce moment là, vous vous méfierez beaucoup plus de ces illusions sensorielles et vous aurez enfin compris ce phénomène « qui semble si abstrait lorsqu’on y a pas été confronté »
J’ai essayé de trouver un élément de comparaison connu de tous pour tenter de vous prouver qu’on a tous vécu cette situation à un moment ou a un autre. La balançoire. Qui n’a pas fait, quand il était petit, le « jeu » d’enrouler au maximum sur elles-mêmes les corde de cette dernière et au bout d’un certain temps, de tout lâcher et ainsi, de tourner très vite sur place ? (Je prends l’exemple de la balançoire plutôt que celle du tourniquet car c’est plus flagrant) L’enfant qui saute de cette balançoire à l’impression qu’il est encore en train de tourner (« a la tête qui tourne » ) alors qu’il est sur la terre ferme, les deux pieds à terre, immobile… Dans ce cas là, l’enfant peut – tout au plus – tomber et se faire une égratignure… Mais en avion ? Lancé à 300 km/h droit vers le sol, ça risque de faire beaucoup plus mal !
Le seul remède contre ce piège invisible : un entraînement solide ! Et pas les 5h de VSV imposé pendant le PPL… Celles là, elles ne sont destinées qu’à vous faire sortir d’un nuage si vous rentrez dedans (taux standard, 10 sec pour 30°, etc)…
Au retour de ce vol, lors du débriefing de l’élève concerné, l’instructeur a bien mis l’accent sur le point suivant à mon égard : tout pilote n’étant pas familiarisé avec l’IFR connaît ces problèmes de désorientation total. Tout pilote ayant beaucoup d’expérience IFR en aura moins ! …
Voilà une des raisons pourquoi aussi tous les appareils équipés IFR ont plusieurs horizons : un balais du regard rapide entre elles est indispensable pour détecter la moindre défaillance de l’une ! Dans la couche – avec une seule horizon artificielle – si celle-ci rendait l’âme, il faudrait tout de suite passer sur la bille-aiguille, instrument beaucoup moins aisé puisqu’elle ne donne que l’inclinaison horizontale. Balayer bille-aiguille / alti simplement pour assurer un minimum de stabilité est beaucoup moins aisé… Ensuite, quand il s’agit de naviguer à proprement dit ça devient vite extrêmement compliqué lorsqu’on a pas une solide formation à ce genre de situation !
Après, si vous avez un instructeur sadique, il vous coupera tous vos instruments ne vous laissant que le compas et l’alti, par exemple (et bien sûr, en vous demandant avec une certaine satisfaction – de l’emmener à tel endroit)… Cette fois là, c’était moi-même aux manettes mais oufffff, dans un simu !!!
Happy landings!
ML