Caméscopes disparus, flacons de parfum dérobés, montres et bijoux volatilisés au terminal des long-courriers : depuis plus d'un an, le centre de tri des bagages de l'aérogare 2 de Roissy-Charles-de-Gaulle a été le théâtre d'une vague impressionnante de vols commis en bande organisée dans les sacs et les valises des voyageurs. Le montant global du préjudice pourrait s'élever à plusieurs centaines de milliers d'euros. Vingt-deux bagagistes soupçonnés d'être impliqués à des degrés divers dans le trafic ont été placés en prolongation de garde à vue, hier, au terme d'un coup de filet mené mardi par 250 gendarmes en Seine-Saint-Denis, dans l'Oise, les Hauts-de-Seine et l'Essonne. Les auditions des pillards présumés, menées par la Gendarmerie des transports aériens (GTA) pour une durée théorique de 96 heures, devraient préciser les contours d'un trafic dont l'ampleur touche des centaines de voyageurs.
L'affaire remonte à juin 2002, lorsque plusieurs plaintes sont soudainement déposées. Des vérifications vont rapidement permettre d'établir que les pirates du fret aérien travaillent pour la plupart pour Connecting Bag Services (CBS), une filiale du Groupe Vinci comptant 800 employés et sous-traitant les activités du tri bagages sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy. «D'emblée, nous avons repéré que de nombreux étiquetages de bagages avaient été déchirés, raconte un des responsables de l'enquête. Nos soupçons se sont orientés sur un certain nombre de manutentionnaires qui étaient les seuls à manipuler les colis.» Agissant dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par un juge de Bobigny en novembre 2004, les enquêteurs ont mis en place une cellule d'enquête baptisée «Albatros». Les dix gendarmes qui la composent depuis lors ont établi que les voleurs pouvaient agir en toute impunité. Déjouant sans peine les procédures de sécurité mises en place dans le cadre du plan Vigipirate, ces employés, badgés et a priori au-dessus de tout soupçon, se servaient de simples canifs ou de couteaux suisses, d'une lame longue de quatre à six centimètres, pour crocheter les cadenas ou entailler les coutures des sacs de voyage. Seules les valises à l'enveloppe rigide résistaient à l'avidité de ces pirates d'un genre particulier. Et ils n'avaient aucun besoin de rayons X pour détecter leur butin. «Il leur suffisait de tâtonner à l'intérieur des valises pour s'emparer des objets de valeur», explique un officier.
Les perquisitions menées dans des «caches» au sein même du siège de la société CBS, à Tremblay-en-France, ainsi qu'au domicile des bagagistes indélicats ont permis de confisquer des dizaines de pièces à conviction. Ces scellés ne rendent pas compte de l'ampleur du trafic : les voleurs sont soupçonnés de travailler en flux tendu avec des receleurs installés sur le marché aux voleurs de Barbès ou les puces de Saint-Ouen. Dans la soirée, les investigations de la GTA se poursuivaient afin de localiser les «cerveaux» présumés de la filière. De son côté, la direction d'Air France a porté plainte contre X.