Le réveil sonne. Il est 3 heures du matin ce 5 février 2016 et la nuit a été courte. Ça pique un peu les yeux, mais la douche fera des merveilles, comme toujours… enfin, je l’espère. Mais ce n’est pas tant ce réveil matinal qui me préoccupe, c’est plutôt les 200 miles à effectuer à 60 mph qui risquent d’être difficile à avaler. 320 km à 100km/h sur une Interstate pratiquement droite (la I 95 North), ça va être difficile.
Pourquoi si tôt : et bien la fenêtre de tir est prévue entre 8h37 et 8h59. Le lancement a déjà été reporté 3 fois. Il ne faut pas arriver en retard car ils ne m’attendront pas, et si c’est encore reporté, ce sera sans moi car le retour à la maison est prévu le lendemain.
Une fois la douche prise, le jus d’orange et les croissants sortis du frigo de la chambre d’hôtel, je descends à la voiture. Il pleut comme vache qui pisse. En plus, faire la route avec cette pluie, bonjour !
Je prends mon courage à deux mains et monte au volant de ma Mustang. Toujours optimiste, je suis en short tee + tee-shirt, mais j’ai quand même pris une veste, au-cas-où… A Miami, le temps est relativement chaud malgré la pluie et à cette heure (16°C).
La première heure passe bien et la pluie s’arrête assez vite de tomber. La deuxième heure devient assez difficile. La radio ne trouve pas de station, je me mets donc à chanter… Pourvu que la pluie ne revienne pas, ce serait encore plus dur.
Il est temps de s’arrêter dans une station pour acheter leur merveilleux breuvage appelé de façon totalement inappropriée « café », mais ça fera quand même du bien. Petite pause de 5 minutes, juste le temps de me servir cette mixture et de mettre au gobelet, son petit chapeau.
Le temps passe et je peste toujours autant envers les conducteurs américains qui ne savent vraiment pas conduire. Mais en fait, on ne leur demande pas de savoir à ce que j’ai compris, en tous cas, à ce que j’ai vu. La ligne continue : ils ne connaissent pas. Les limitations de vitesses : ils ne connaissent pas. Les clignotants : ils ne connaissent pas. Les limitations de vitesse : ils ne connaissent pas. En plus, avec leur système de péage par lecture des plaques, on n’arrête pas d’être flashé.
Bref !
Mais ce que je vois-là, ça me réveille complètement. En bon français, je suis à 5mph au-dessus de la vitesse limite, mais je ne double personne, bien au contraire. Et je vois débouler dans mon rétro une voiture ouvreuse illuminée de mille feux blancs et oranges annonçant un convoi « oversize » qui le suit de très très près et qui se rapproche à vive allure de mon arrière droit, en prenant complètement les deux voies de circulation.
Ils ne vont quand même pas oser ??? Et bien si ! Ils me doublent par la droite, à 17mph au-dessus de ma vitesse!!! 17mph, c’est ce que j’ai dû ajouter pour être à leur vitesse ! Soit 22mph au-dessus de la vitesse autorisée ! Et par la droite !!! Mais ce n’est pas fini. Il y avait devant moi une voiture qui roulait sensiblement à la même vitesse que moi, mais sur la deuxième file. Pas de douci ! Un petit coup sur la gauche, et le convoi la doubla par la gauche en prenant les deux voies les plus à gauche.
Moi je dis : « quand y-a de la gêne, y-a pas de plaisir ! ».
Ma route se poursuit et j’arrive enfin à Cape Canaveral. Il ne fait plus que 10°C. La veste va être la bienvenue, mais le short risque d'être très court ! Là, l’organisation est au top. On passe le contrôle, fouille des sacs, on se dirige vers les bus qui nous amèneront à la zone aménagée pour voir le tir. Il y a des tribunes pour environ 5000 personnes. Tout se passe très vite. Ils savent mettre l'organisation qui faut, ces ricains!
Après une vidéo sur l’histoire de la NASA et des tirs spatiaux, dans laquelle sont particulièrement expliqués les vols habités vers la lune, on sent bien dans les commentaires qu’ils ont eu bien « la haine » de ne pas avoir été les premiers à envoyer un homme dans l’espace, mais la vengeance a bien été d’être les premiers à marcher sur la lune.
La salle de contrôle des vols Appolo :
Nous allons donc nous installer sur les tribunes prévues à cet effet. Un commentateur, bien typé américain, répond aux questions au fur et à mesure que les personnes s'installent. Un vent glacial me frappe les mollets, mais je reste concentré sur les commentaires.
Il y a devant nous, sur notre droite, le VAB (Vehicle Assembling Building), parait-il, le plus grand immeuble au monde d’un seul étage, permettant l’assemblage des fusées. Sur notre gauche, se trouve le pas de tir n° 39 qui a vu les départs des fusées et navettes sur la lune.
Le V.A.B. :
Le pas de tir 39 :
Le pas de tir de notre fusée de type ATLAS V, avec comme petit nom AV-057, chargée de mettre en orbite un satellite GPS pour le compte de l’US Air Force, se trouve entre ces deux points facilement repérables. Il fait vraiment petit.
Le pas de tir 41 :
Le commentateur nous explique que nous sommes à 5 nautiques, pour des raisons de sécurité. 5 nautiques, ça semble quand même large, mais bon. Un jeune garçon lui demande quand nous saurons que la fusée va partir. Effectivement, je me suis posé la question. Je pensais trouver le décompteur à chiffres énormes, comme au temps des départs sur la lune. Mais il n’en n’est rien. Il lui explique donc que nous aurons en direct le décompte fait depuis la salle de contrôle, et puis nous verrons une grosse lumière au pied de la fusée avant d’entendre le grondement des moteurs. Nos excellents physiciens nous expliquerons que c’est une histoire de vitesse…
Notre attente aura été de d’une heure au froid avant d’entendre le « starter » de la salle de contrôle effectuer son décompte, puis la lumière, puis le son, puis les vibrations… Tout dans le bon ordre.
Voici quelques photos du tir.
Le tir :
Alors, comme je n’ai pas d’appareil photo permettant de voir une mouche sur la lune, je rappelle que je suis à 5 nautiques. Je n’ai pas pu faire mieux. Désolé.
Les fusées de type ATLAS V ne sont pas récentes. Informations prises sur WIKIPEDIA :
La fusée Atlas V est un lanceur américain développé à la fin des années 1990 dans le cadre du programme Evolved Expendable Launch Vehicle (EELV) de l'Armée de l'Air américaine. Le lanceur combine un premier étage, propulsé par le moteur-fusée russe RD-180 brûlant un mélange de kérosène et d'oxygène liquide, un second étage reposant sur une version agrandie de l'étage Centaur et un nombre variable de propulseurs d'appoint. Selon les versions, il peut lancer de 9 à 19 tonnes en orbite basse et de 5 à 8,7 tonnes en orbite de transfert géostationnaire. Son premier lancement remonte au 2 août 2002.
Développé initialement par Lockheed Martin, il est désormais construit par United Launch Alliance, la coentreprise de Lockheed Martin et Boeing qui commercialise également dans la même catégorie de puissance la Delta IV. En décembre 2015, 60 lancements ont eu lieu dont un échec partiel. Plusieurs évolutions du lanceur sont à l'étude dont une version lourde dite HLV capable de placer 25 tonnes en orbite basse et une version permettant le lancement d'un équipage dans le cadre du concours CCDeV. L'Atlas V est le dernier représentant de la famille de lanceurs Atlas.
En conclusion, c’est sympa à faire car peu habituel, mais ça ne casse rien. Un vol habité doit être beaucoup plus prenant et l’ambiance beaucoup plus joyeuse que les simples applaudissements d’un vol réussi.
Bravo quand même au personnel qui a permis une nouvelle fois ce tir, et bravo pour l’organisation et la gentillesse. Là, c’est vraiment le top.