Notre route prévue nous fera passer par Thouars, Parthenay, Niort, Cognac, et Libourne avant d'arriver sur l'aérodrome de Bordeaux Léognan-Saucats.
En ce samedi matin, le temps est assez brumeux comme l'indique le Metar d'Angers lorsque nous arrivons sur la plateforme mais le TAF est assez optimiste pour la tranche 10h00-midi.
METAR : LFJR 220700Z AUTO VRB01KT 3700 BR NSC 10/10 Q1017
TAF : LFJR 220500Z 2206/2215 04005KT 2500 BR NSC TEMPO 2206/2207 0500 BCFG BECMG 2208/2210 CAVOK
Cela va donc nous laisser le temps de bien préparer l'avion, d'en faire le plein d'Avgas et aussi de le nettoyer, ce qui n'avait pas été fait par le pilote précédent...
Ceci étant dit, la visibilité étant devenue correcte aux alentours de 10h00, nous décidons de partir. Nous montons d'abord à 3000ft, mais je m’aperçois rapidement, en passant la Loire, qu'il va falloir descendre si l'on ne veut pas se retrouver en IMC, je m'établis donc à 2000ft.
Tout se passe bien jusqu'aux environs de Thouars (LFCT) où il faut se rendre à l'évidence, il va falloir encore descendre, direction les 1500ft, et devant, ça ne s'annonce pas meilleur, on passe d'ailleurs à 1000ft en arrivant vers Parthenay.
Commence donc à trainer dans un coin de ma tête l'idée d'un déroutement (plutôt un demi tour en l’occurrence) et j'en informe ma femme en lui indiquant que la situation se dégrade, que c'est encore gérable mais que si cela continue, il va falloir songer à rebrousser chemin, ce à quoi elle acquiesce.
Néanmoins, insidieusement, tout le processus psychologique inhérent à ce type de situation se met en place sous la forme d'un dialogue intérieur :
- ça s'arrange peut être un peu plus loin.... allons voir....
- tu vois bien que tu ne cesse de descendre depuis tout à l'heure, c'est un signe...
- oui mais quelle déception de devoir faire demi-tour, et les enfants qui se font une telle joie de voir leurs grand-parents, et puis j'ai pas vraiment envie de me faire 4h de route après une telle frustration...
- il serait quand même bien plus sûr de se poser quand même, tu n'es pas tout seul après tout...
Le temps que ce dialogue se termine, j'étais rentré dans un nuage sans même l'avoir vu venir... Après un petit moment de stress (intense), je me remémore mes leçons de VSV : les yeux rivés sur l'horizon artificiel, pas plus de 15° d'inclinaison, et demi-tour pour sortir du nuage. On surveille la vitesse de temps en temps.
Vraiment pas évident lorsque l'on n'est pas dans la tranquillité d'esprit de savoir l'instructeur à côté de soi prêt à rattraper la moindre erreur.
C'est donc un gros ouffff de soulagement que je pousse lorsque je retrouve une visibilité correcte, et cette fois-ci, plus de question à se poser, on déroute sur Thouars où nous nous poserons sans encontre 25 minutes plus tard.
En repensant à tout cela, deux sentiments se mélangent :
1- un sentiment d'échec car je me suis rendu compte que malgré les indices disponible (le plafond qui descend au fur et à mesure, le controlleur du SIV m'indiquant qu'à Poitiers, ils étaient en "base instrumentale", comme il disait), malgré les bonnes résolutions dont je me suis toujours targué les jours de CAVOK ("de toute façon, le jour où ça s'avèrera nécessaire, je saurai prendre la décision de me dérouter, je suis pas un de ces tarés d'inconscients moi!!!"), je n'ai pas été capable de prendre la décision de me poser plus tôt et qu'il ait fallu attendre une alerte somme toute assez sérieuse pour que la sagesse l'emporte...
De plus, je pense avoir eu un stress plutôt communicatif lors de cet évènement, ce qui n'est jamais bon...
2- un sentiment de satisfaction d'avoir su réagir de la bonne manière à une situation critique (l'entrée dans le nuage) en adoptant tout de suite les bons réflexes acquis lors de ma formation. J'ai d'ailleurs à ce sujet une grosse pensée pour mon instructeur de l'époque, Mr Roger Auberger...
Le bilan global que je tire de ces évènements est néanmoins extrêmement positif car cela va me permettre d'avoir une base de référence pour les prises de décisions à venir et donc de mieux interpréter certains signes, c'est ce que l'on appelle l'EXPERIENCE.
Cela m'a permis également de prendre réellement conscience que la partie "facteurs humain" dans le pilotage est quelque chose de décisif et que, contrairement à ce dont je m'étais persuadé, certaines décisions étaient extrêmement difficiles à prendre dès lors que d'autres facteurs que le vol à proprement parler entrent en jeu.
A ce propos, je vous recommande (pour les anglophones) de regarder cette formation donnée par l'AOPA US qui traite du sujet évoqué dans ce post :
https://www.aopa.org/asf/osc/loginform.cfm?course=decisionmaking&project_code=&
Il vous faudra créer un compte (gratuitement) qui vous donnera accès à de multiples ressources extrêmement intéressantes quant à la sécurité des vols.
Fly safe...
PS : par anticipation, je précise que l'objet de ce post est bien de partager cette expérience et non de recevoir des leçons de préparation de vol se basant uniquement sur le contenu de ce récit qui est bien entendu tronqué par souci de concision (c'est arrivé sur d'autres forums où je poste)...