À peine le contrat signé, le NA-240 subit une (r)évolution dans sa conception. Le train d’atterrissage d’origine est composé de deux patins rétractables placé sous l’appareil au centre et de roues jumelées à l’avant. De celui-ci seul la partie de devant sera conservée et les patins seront repoussés vers l’extrême arrière de l’avion. Les aérofreins présents sur les bords de fuite sont échangés pour des surfaces implantées à la base des dérives supérieures et inférieures. Dans le but d’améliorer la stabilité horizontale à grande vitesse l’empennage vertical est modifié. Le poste de pilotage, qui à l’origine est en fait une capsule séparable du restant de l’avion, est remplacé par un pare-brise éjectable au même titre que le siège. Charles Feltz et Harrison Storm décident de revêtir la majeure partie de la structure interne d’acier inoxydable et de titane, et pour l’extérieur ce sera de l’Inconel-X, un composé d’un alliage de nickel. Des matières qui protègeront contre les échauffements cinétiques. Le contrôle de roulis est assuré par un différentiel de l’empennage horizontal. Les ailes trapézoïdales avaient une épaisseur de 51 millimètres à l’emplanture et 9.5 millimètres à l’extrémité. La cabine est équipée de 3 manches à balais. Un manche de type conventionnel qui permet de piloter l’avion en tangage et roulis à basse vitesse. Un second, sur le côté, utilisé lors des phases d’accélération et de rentrée dans les couches moyenne de l’atmosphère. Le troisième est destiné à commander l’éjection de jets gazeux, aux hautes altitudes. Le pare-brise en V est conçu pour résister à l’échauffement cinétique (environ 650°). Bien que le pilote soit équipé d’une combinaison pressurisée (MC-2), l’habitacle est lui aussi pressurisé et réfrigéré. Ceci amène, en théorie malgré les tests faits en laboratoires, à une conception utilisable à Mach 4, la vitesse recherchée.
Comme tous les avions de recherches, dans cette course à la vitesse, qui l’ont précédé, le X-15 devait être largué d’un avion porteur et propulsé par un moteur-fusée. Les ingénieurs furent obligés d’abandonner les B-29 et B-50, principalement à cause de la masse et des dimensions du X-15. Dans un premier temps, ils pensent pouvoir utiliser le B-36 de Convair, mais leur choix se portera vers les B-52A (N° 52-003) et B-52B (N° 52-008) jugés les seuls aptes au programme. Pour cela les deux appareils durent subir des modifications. L’intérieur fut équipé d’un poste de surveillance visuelle, des réservoirs, destinés à remplir les réservoirs du X-15 pour le moteur-fusée, et de très nombreux enregistreurs de données. Sous l’aile droite fut aménagé un berceau destiné à recevoir le X-15 pour l’emporter à l’altitude de largage. C’est comme cela qu’ils se sont retrouvés avec un NB-52A et un NB-52B.
Dans le projet NA-240 de North American, l’avion doit être équipé du moteur XLR30-RM-2, mais les ingénieurs calculent que celui-là n’est pas suffisamment puissant, alors ils motoriseront l’avion d’une mécanique plus puissante, le XLR99-RM-1. Celui-ci fonctionne avec de l’oxygène liquide (3790 kg) et du gaz d’ammoniaque liquéfié (5470 l) ce qui fourni 25860 kg de poussée statique. Aussi, développer un moteur prend du temps, plus que pour aménager la cellule en tout cas, alors pour ne prendre de retard dans le programme, North American proposa de commencer les vols d’essai avec le XLR11 dans une version plus puissante néanmoins que celui qui motorisait le X-1 en 1946. Proposition acceptée conjointement par la Naca, l’US Navy et l’US Air Force. Seulement, même plus puissant, sa poussée n’est que de 7260 kg, même pas 30/100 du XLR99, mais toutefois suffisante, espère-t-on, pour emmener le X-15 à Mach 3. Un progrès par rapport au Mach 2.44 du Bell X-2 et datant du 12 Décembre 1953.
Pour contrôler la trajectoire des X-1, X-2, etc., les ingénieurs utilisaient le SCR-584, un radar de tir d’artillerie, spécialement aménagé. Les vitesses et altitudes visées ne sont plus les mêmes, alors un nouveau corridor est créé, long de 780 km et large de 80, de Wendover à Edwards. Les stations de Ely et de Beatty se trouvant dans le nouveau couloir, seront chargées du contrôle de trajectoire. Dans ce canal aérien se trouve de nombreux lac séchés, ils fourniront des pistes d’urgence et s’avèreront à plusieurs reprises très utiles.
En Septembre 1956, les premiers éléments du premier X-15 commence à être fabriqués. L’avion sortira de l’usine de Inglewood, près de Los Angeles, en Octobre 1958, et c’est par la route qu’il rejoindra la base d’Edwards. Entre temps, North American s’adjoint les services d’un ancien pilote de la Naca, A. Scott Crossfield en tant que conseiller, puis pilot. Il avait déjà fait valoir sa valeur au cours du programme X-1 ainsi qu’au cours du vol du 20 Novembre 1953 avec le D558-2 où il devenait le premier Homme à passer Mach 2 (Mach 2.005).
Le 10 Mars 1959, le X-15-1 prend les airs pour la première fois attaché sous l’aile du NB-52A. Son premier vol libre ne se déroulera que le 8 Juin 1959, vol au cours duquel A. Scott Crossfield n’allumera pas le moteur, mais fera remarquer que les commandes sont sensible à l’extrême. Cette remarque entrainera des modifications à apportées avant le premier vol propulsé qui se déroulera le 17 Septembre 1959. Lors de ce vol s’est encore A. Scott Crossfield qui est aux commandes et emmènera le X-15-2 à Mach 2.11 à 15950 mètres. Un mois plus tard un troisième vol se déroule similairement au second. Le 5 Novembre 1959, au cours du quatrième vol, le moteur-fusée prend feu et A. Scott Crossfield se trouve dans l’obligation d’effectuer un atterrissage d’urgence qui casse l’avion en deux, sur le lac de Rosamond. Scott Crossfield s’en sort sain et sauf. Le X-15-2 est reconstruit et revolera pour réaliser le sixième vol du programme, le 11Février 1960. En 1958, le Naca disparaît pour laisser la place à la Nasa qui reprent le programme et c’est donc sous cette nouvelle direction que Joseph A. Walker effectuera le neuvième vol, le 25 Mars 1960. Le 12 Mai 1960, il atteint Mach 3.19 à bord du X-15-1 qui est toujours équipé du XLR11. Entre temps des pilotes de la Navy et de l’Air Force avaient été recrutés. Ainsi le premier vol à mettre au crédit de l’USAF eut lieu le 13 Avril 1960 avec Robert M. White, aux commandes. Il volera à Mach 3.5, le 7 Février 1960, qui sera le dernier vol propulsé avec le XLR11. Pour la Navy, il faut attendre le 23 Septembre 1960, et Forrest S. Petersen.
Le 8 Juin 1960, le nouveau moteur-fusée, le XLR99, est monté sur le X-15-3 qui fait un essai au sol. Soudain le moteur explose. La défaillance du régulateur de pression du réservoir d’ammoniac ne fera, miraculeusement, aucune victime. L’avion est détruit, et il faudra plus d’un an pour le reconstruire. Entre temps le X-15-2 était, à son tour, motorisé par le XLR99, et Scott Crossfield avait déjà fait trois vols avec ce moteur. Au cours du vol du 7 Mars 1961 l’avion vola à Mach 4.43. Désormais les vitesses augmenteront sans cesse jusqu’au 9 Septembre 1961, alors que Robert M. White est aux commandes, l’avion atteint Mach 6.04. Pour voir un vol encore plus rapide, il faudra attendre que Robert A. Rushworth vole avec le X-15-1, le 5 Décembre 1963. À l’occasion de ce vol l’avion est propulsé à Mach 6.06. Le 27 Juin 1962, Joseph A. Walker avaient effectué un vol à une vitesse relative nettement supérieure (6605 km/h), mais un nombre de Mach très inférieur (Mach 5.92) à bord du X-15-1. Le 11 Octobre 1961, le même appareil avait atteint l’altitude de 60860 mètres. Le 30 Avril 1962, Joseph A. Walker monte, lui, à 75190 mètres avec le X-15-3. Et le 22 Août 1963, c’est le même couple qui atteint les 107960 mètres d’altitude. Ce sera le vol le plus haut des X-15.
Au cours du vol du 9 Novembre 1962, John B. McKay, qui est installé aux commandes du X-15-2, ne parvient pas à obtenir du moteur la pleine puissance. La décision de vidanger les réservoirs et d’atterrir est prise. Au cours de l’approche les volets se bloquent en position haute alors que la vitesse est estimée à plus de 500 km/h. À cette vitesse, au moment du contact avec le sol, l’avion ne peut que rebondir brutalement. Si brutalement que le patin arrière gauche se brise ce qui retourne l’avion sur le dos. John B. McKay sera hospitalisé très sérieusement blesser à la colonne vertébrale. Il retrouvera son statut de pilote d’essai quelque mois plus tard, un miracle. Les dégâts sur l’appareil sont des plus importants. Aussi, les responsables du programme prennent la décision de ne pas remettre l’avion en état mais de prendre le temps pour apporter des modifications nécessaires pour qu’il puisse aller encore plus vite. Ce jugement est pris au vue des résultats obtenus au cours des essais précédents l’accident. En effet, des calculs avaient été réalisés, l’avion pouvait aller plus vite si on lui apportait quelques aménagements et cela à peu de frais et de risque.
À suivre