Quelle différence entre un modèle réduit d'avion et un drone miniature ? L'un vole, l'autre pas vraiment... Si le constat paraît sévère, il est en grande partie justifié par l'ensemble des prestations fournies par les concurrents du premier concours universitaire international de drones miniatures, organisé du 12 au 15 septembre au camp militaire de Mourmelon (Marne) par l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera). Une manifestation financée par la direction générale pour l'armement (DGA).
La souplesse contrôlée des ailes de libellule
L'Onera travaille sur un drone miniature à aile battante d'environ 15 cm d'envergure et apte au vol stationnaire. "Nous avons pris comme modèle la libellule" , explique Michel de Gliniasty, directeur scientifique général. Les chercheurs sont en effet fascinés par la structure de l'aile de cet insecte. Alors qu'ils la croyaient rigide, ils ont constaté qu'elle était en fait striée de canaux véhiculant un liquide. Grâce à ce système, l'insecte adapte la rigidité de ses ailes aux besoins de son vol. De quoi donner des idées...
La connotation militaire de cette épreuve, ouverte aux seuls étudiants, se retrouvait dans la "mission opérationnelle" assignée aux 20 équipes présentes, dont 18 avaient reçu 40 000 euros pour financer trois années de recherche. Il s'agissait de concevoir un drone miniature (pas plus de 70 cm), de le fabriquer et de l'équiper afin qu'il soit capable de voler au-dessus d'un "village de combat" pour y enregistrer des images.
Les épreuves ont eu lieu sur le site de Vadenay, un ensemble de bâtiments construits pour l'entraînement des militaires. Pour ce concours, le "village" avait été truffé de véhicules blindés et de tireurs embusqués. Les drones devaient être capables de prendre des photos permettant, après leur retour de mission, d'identifier les pièges. Une fois ces zones dangereuses repérées, les concurrents devaient, à l'instar d'une unité d'infanterie, traverser le village en évitant les tirs ennemis.
Un défi difficile à relever. Une seule équipe en effet, celle de l'Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg, a réussi, avec son drone baptisé Les Cigognes, à survoler le théâtre des opérations et à enregistrer des images exploitables.
Malheureusement, ces dernières, prises à assez haute altitude, ont permis de localiser les blindés, mais pas les tireurs embusqués. Ainsi, lorsque l'équipe a tenté sa traversée, elle est tombée sous le feu du premier "sniper". Il manquait à son drone, conçu autour d'une aile cylindrique, l'aptitude au vol stationnaire indispensable pour prendre des images à basse altitude et repérer les tireurs ennemis.
La performance de l'équipe de l'INSA de Strasbourg lui a tout de même valu de figurer parmi les trois premiers prix ex aequo décernés par l'Onera et dotés, chacun, de 10 000 euros. Le jury a, en effet, dû se résoudre à une profonde révision de ses critères d'appréciation. Guère plus du quart des équipes a réussi à faire voler son drone. Seules celles de l'Ecole des mines de Paris et de l'Ecole centrale de Paris, avec le Quadricoptère et l'Oiseau artificiel, un drone à ailes battantes, sont parvenues à se passer du pilotage télécommandé pour fonctionner en automatique, à l'aide des seuls instruments embarqués. Or il s'agit là de l'une des caractéristiques fondamentales distinguant le drone du domaine de l'aéromodélisme.
Le Quadricoptère a ainsi connu son moment de gloire lorsqu'il a atterri sans aucune assistance humaine. De quoi lui valoir un premier prix tandis que l'Oiseau artificiel recevait un prix spécial de 2 000 euros. Un troisième premier prix a récompensé l'équipe de l'Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) et son drone CPX4. Ce dernier, outre une appréciable aptitude à voler, s'est distingué par son système de rangement dans une sorte de carquois. Equipé de moteurs similaires au Quadricoptère, il dispose de bras qui se replient afin de permettre son introduction dans un logement cylindrique porté en bandoulière par le fantassin. Le système offre, outre la facilité de transport, une recharge automatique des batteries, point faible de ces engins volants malgré les progrès des accumulateurs lithium-polymère.
DU THERMIQUE À L'ÉLECTRIQUE
Grâce à eux, certaines équipes, comme celle de l'université de technologie de Compiègne (UTC) et son drone Birotan, sont passées, en cours de projet, du thermique à l'électrique. Limitées en puissance et en autonomie, les batteries apportent discrétion et silence, des atouts précieux lorsque les drones risquent d'être transformés en cibles de ball-trap.
Sans masquer leur déconvenue, les organisateurs ont exprimé plusieurs motifs de satisfaction. Le concours, à l'évidence, a stimulé la créativité des équipes constituées dans les universités et les écoles d'ingénieurs. Plusieurs d'entre elles n'ont pas hésité à affronter la conception d'engins à ailes battantes. Celle de l'Ecole supérieure des sciences et technologies de l'ingénieur de Nancy (Esstin) a obtenu le prix d'encouragement spécial du jury (4 000 euros) avec son drone Air nEsstin.
Le concours a également favorisé les relations internationales entre les étudiants et constitué un challenge passionnant pour les participants, même les plus malheureux, comme l'ENSM de Besançon avec son Microdrone à six hélices, dont la conclusion résume le sentiment de nombre de concurrents : "Le plus dur reste à faire, faire voler le drone..."
Membres, pour la grande majorité, d'écoles non aéronautiques, les étudiants ont souvent privilégié le contrôle électronique ou la capture et la transmission des images vidéo avant d'avoir assuré ce qui pourrait apparaître comme l'essentiel : le vol. Néanmoins, cela ne retire rien à la débauche d'imagination que ce concours de drones a suscitée.
Cent ans après les frères Wright, il leur faut réinventer une aviation miniaturisée et automatisée. Malgré l'expérience accumulée par l'industrie aéronautique, le défi des mini-drones reste à relever.
Michel Alberganti